Tandis qu’un certain nombre d’enseignants bahá’ís comparaissent devant la cour d’Iran, deux lauréats du prix Nobel ont vivement critiqué le gouvernement iranien, comparant ses actes à « ceux du haut Moyen Âge de l’Europe » ou à « l’Inquisition espagnole ».
Les remarques faites par Desmond Tutu, l’archevêque honoraire anglican de Cap Town et par José Ramos-Horta, le président du Timor oriental, ont paru dans une lettre ouverte au milieu universitaire publiée le 26 septembre 2011 dans le Huffington Post, sous le titre de « Iran’s war against knowledge » (la guerre de l’Iran contre la connaissance).
Dans cette lettre, les lauréats du Nobel lancent un appel au gouvernement iranien pour la libération inconditionnelle et l’abandon des charges contre les sept bahá’ís actuellement poursuivis en Iran pour leurs activités éducatives.
« Au cours des derniers siècles, l’avancement du progrès de l’humanité a été alimenté, plus que par tout autre facteur, par l’accès croissant à l’information, l’échange plus rapide des idées et, dans la majeure partie du monde, par l’éducation universelle », écrivent-ils.
« C’est donc particulièrement choquant lorsque des despotes et des dictateurs au 21ème siècle tentent d’assujettir leurs propres populations en essayant de les priver d’éducation ou d’information. »
« C’est non seulement vain à long terme, mais en plus cette attitude les fait paraître effrayés par l’époque même dans laquelle ils vivent et être obsédés par les nouveaux penseurs parmi eux. »
« L’exemple le plus flagrant de cette peur est peut-être aujourd’hui le refus à l’éducation supérieure aux membres de la foi bahá’íe en Iran – une religion pacifique sans programme politique, qui reconnaît l’unité de toutes les religions », affirme la lettre.
Comparutions en justiceLa publication de cette lettre ouverte a coïncidé avec l’annonce que les procès ont maintenant commencé en Iran pour les sept enseignants bahá’ís. Ils sont détenus dans le cadre de l’initiative communautaire informelle, connue sous le nom d’Institut bahá’í d’éducation supérieure (IBES). Initiative qui a donné aux professeurs bahá’ís – interdits par le gouvernement iranien d’exercer leurs professions – l’opportunité de faire cours aux jeunes membres de la communauté qui sont eux-mêmes exclus des universités.
« Les personnes arrêtées n’étaient ni des dirigeants politiques ni des dirigeants religieux », observent l’archevêque Tutu et le président Ramos-Horta dans leur lettre. « Ils étaient chargés de cours dans des disciplines diverses, comme la comptabilité et la dentisterie, et aujourd’hui ils sont confrontés à la perspective de plusieurs décennies en prison. Le crime dont ils sont accusés : donner une éducation supérieure à la jeunesse bahá’íe. »
La Communauté internationale bahá’íe a appris que six des sept personnes – emprisonnées après des descentes en mai dernier sur quelque 39 maisons de bahá’ís associés à l’IBES – sont maintenant jugées deux par deux.
« L’avocat qui a préparé leur défense est lui-même actuellement en prison ; deux des prisonniers ont apparemment fait hier [1] l’objet d’un interrogatoire ; deux ont été programmés pour ce jour [2] et deux pour demain [3] – et il semblerait qu’un autre ait comparu la semaine dernière », a déclaré Bani Dugal, la principale représentante de la Communauté internationale bahá’íe aux Nations unies.
« Toutes les indications montrent que nous ne pouvons pas espérer un procès équitable », a-t-elle ajouté.
Mlle Dugal a exprimé la gratitude de la Communauté internationale bahá’íe à l’archevêque Tutu et au président Ramos-Horta : « Nous les remercions, ainsi que tous les gouvernements, les organisations non-gouvernementales et toutes les personnes de bonne volonté à travers le monde dont les initiatives envoient un message clair aux autorités iraniennes, à savoir que leurs actions sont étroitement surveillées et condamnées . »
Exclus à cause de leurs croyances
La lettre ouverte a aussi souligné la situation désespérée d’autres jeunes Iraniens qui ont été exclus des universités « à cause de leurs croyances ou pour leurs points de vue hardis, s’opposant au parti au pouvoir, y compris des points de vues pro-réformistes ».
« Nous croyons qu’il est important de reconnaître que ces actions ne sont ni le résultat de de la foi islamique ni dictée par elle. Il nous suffit simplement de regarder le haut Moyen Âge de l’Europe ou l’Inquisition espagnole pour voir que les ayatollahs iraniens ne sont certainement pas les premiers à utiliser la religion comme prétexte pour essayer de supprimer par la force les idées et la connaissance qui les effraient et qui pourraient menacer leur pouvoir. Les riches traditions philosophiques et artistiques iraniennes, les contributions des érudits iraniens à travers le monde, et les actions des membres de la communauté musulmane qui ont aidé et soutenu l’IBES sont la preuve que les actions de leurs dirigeants ne sont pas le reflet de la foi musulmane ou des nombreux musulmans de bonne volonté des communautés iraniennes », précise la lettre.
« Et alors que nous croyons qu’historiquement et dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, il est inutile de réprimer la quête du savoir, il y en a beaucoup en Iran dont la vie est menacée ou brisée par cette tentative. »
« Ils ont besoin de notre soutien »
Parmi d’autres demandes, les lauréats du prix Nobel conseillent fortement au milieu universitaire d’exprimer, avec leurs collègues iraniens, leur désaccord et leur désapprobation de toute politique qui exclut les individus de l’éducation supérieure à cause de leur origine religieuse ou de leur conviction politique.
Condamnation mondialeLe tollé international contre la persécution des enseignants bahá’ís par l’Iran s’est étendu au cours des quatre derniers mois au monde entier, de l’Australie à la Zambie.
Le 5 septembre, la baronne Catherine Ashton – haute représentante de l’Union européenne aux Affaires étrangères – a exprimé sa très « sérieuse inquiétude » concernant l’attaque sur l’IBES.
Trois jours plus tôt, le ministre des Affaires étrangères du Canada, John Baird, a déclaré que les arrestations du personnel de l’IBES « sont basées sur des accusations non fondées de conspiration contre la sécurité nationale. Cet institut fournit des services éducationnels de valeur à la communauté bahá’íe à qui est refusée une éducation supérieure officielle en Iran ».
Les sept enseignants bahá’ís faisant l’objet d’un procès sont : Vahid Mahmoudi et Kamran Mortezaïe, qui apparemment ont comparu hier ; Mahmoud Badavam and Nooshin Khadem, qui étaient programmés pour comparaître aujourd’hui, et Ramin Zibaïe et Riaz Sobhani, qui comparaîtront demain. Il semble que Farhad Sedghi ait comparu, le mardi 20 septembre.