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La persécution des bahá’ís d’Iran – un bilan

Quand Ashraf Kanjani (81 ans) la femme de Jamaloddin Khanjani (77 ans), un des dirigeants bahá’ís emprisonnés, était sur son lit de mort, son dernier vœu était de voir son mari, affirme sa nièce et cinéaste montréalaise Nika Khanjani. Mais Mme Khanjani a dû se contenter d’une photo de son mari sur laquelle elle a posé un baiser avant de mourir le 10 mars 2011.

« Leur amour était traditionnel, cordial et très fort. » C’est ainsi que Mme Khanjani décrit les cinquante ans de mariage de son oncle et de sa tante.

Depuis mai 2008, M. Khanjani, ainsi que les autres bahá’ís qui étaient membres des « Yaran-i-Iran », les « amis en Iran » – un groupe à l’échelon national qui répondait aux besoins de la communauté bahá’íe d’Iran – purgent une peine de prison. Leur crime est simplement d’être membres de la foi bahá’íe, une religion qui est persécutée systématiquement par le gouvernement iranien depuis la révolution de 1979.

« Le dossier de cette affaire est complètement vide, il n’existe aucune raison de les condamner », expliquait Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel, et avocate des sept dirigeants bahá’ís, dans un article publié par CNN.com le 16 août 2009.

Les funérailles de Mme Khanjani ont attiré entre 8 000 et 10 000 personnes, de tous milieux, mais les autorités ont empêché M. Khanjani d’y assister, une décision décrite par la Communauté internationale bahá’íe comme étant « désespérément cruelle ».

L’expérience de la famille Khanjani illustre certains des effets de la persécution subie par une grande proportion des quelque 300 000 bahá’ís de ce pays. Au nombre des violations de leurs droits fondamentaux, les bahá’ís d’Iran, subissent, aux mains du gouvernement, des arrestations et des actes de violence, des pressions économiques et une propagande anti-bahá’íe dans les médias, on refuse de leur accorder la protection du système judiciaire du pays ainsi que l’accès à l’éducation supérieure.

Les représentants du gouvernement cherchent de plus à intimider les citoyens iraniens qui ne sont pas membres de la foi bahá’íe mais qui agissent pour défendre les droits de leurs concitoyens.

Le gouvernement canadien a dénoncé la répression que le régime iranien exerce sur ses propres citoyens et a, à maintes reprises, soulevé la question à l’Assemblée générale des Nations unies. Le 17 mars 2011, le Conseil des droits de l’homme, qui comporte 47 membres, a décidé d’établir un investigateur extraordinaire pour l’Iran. Le Canada, qui n’est pas membre du Conseil, a parrainé conjointement la résolution sur cette question avec d’autres pays.

Lors d’un débat à la Chambre des communes qui a eu lieu le 16 février 2011 sur la situation des droits de la personne en Iran, six députés, y compris des députés des partis conservateur, libéral et nouveau démocrate, ont exprimé leur appui des bahá’ís d’Iran et ont condamné le bilan du gouvernement iranien pour les violations des droits fondamentaux des membres de la plus importante minorité confessionnelle non-musulmane de ce pays.

Le député Jim Maloway a décrit le traitement fait aux bahá’ís comme étant très troublant, alors que le député Mario Silva a affirmé être frappé « par les violations flagrantes des droits de la personne dont les groupes ciblés comme celui-là sont victimes ».

Au cours du même débat, le député Deepak Obhrai a dit que le gouvernement iranien devait « être condamné sans équivoque » pour la répression de ses propres citoyens, y compris celle des bahá’ís ».

Bien avant leur incarcération, les sept prisonniers bahá’ís mentionnés plus haut – qui incluent cinq hommes et deux femmes – ont, comme bien d’autres, subi directement les effets de la répression.

M. Khanjani (77 ans) était le propriétaire d’une manufacture prospère, qu’il a perdue après la révolution islamique de 1979, parce qu’il était membre de la communauté bahá’íe. M. Khanjani a quatre enfants et six petits-enfants.

Mahvash Sabet (57 ans) était enseignante et principale d’école. Mère de deux enfants, elle a été congédiée du système d’éducation publique parce qu’elle est bahá’íe.

Fariba Kamalabadi (48 ans) est psychologue du développement et mère de trois enfants. On lui a refusé l’accès aux universités publiques en raison de sa religion.

Afif Naeimi (49 ans) est homme d’affaires et père de deux enfants. Il n’a pas pu réaliser son rêve d’être médecin parce qu’on lui a refusé l’accès à l’université.

Saeid Rezaie (53 ans) est ingénieur agricole et père de trois enfants. Il a quitté Shiraz pour le Nord de l’Iran pour éviter les persécutions intenses des bahá’ís dans cette région.

Behrouz Tavakkoli (59 ans) est travailleur social et père de deux enfants. Il a perdu son emploi dans l’administration publique au début des années 80, parce qu’il est bahá’í.

Vahid Tizfahm (37 ans) optométriste et père d’un enfant de onze ans a maintenant été en prison pendant les années de formation de son fils.

Plusieurs des dirigeants bahá’ís ont été arrêtés lors de descentes qui ont eu lieu à leur domicile très tôt le matin, dans des circonstances semblables aux descentes des années 80, au cours desquelles les dirigeants bahá’ís iraniens avaient été appréhendés sommairement et tués, dans un effort semblable pour éliminer la communauté bahá’íe en tant qu’entité viable.

Le 12 janvier 2010, – sans que des accusations aient été portées, après 20 mois d’emprisonnement au cours desquels ils ont été soumis à des souffrances physiques et psychologiques – le procès des sept dirigeants bahá’ís a commencé. Ils avaient alors à peine pu passer une heure avec leurs avocats.

Les dirigeants bahá’ís ont été accusés, entre autres, d’espionnage, de propagande contre la République islamique, d’avoir établi une administration illégale – accusations qui ont toutes été niées par les accusés.

Le procès s’est terminé le 14 juin 2010 après six brèves séances, qui ont été caractérisées par l’absence de toute application régulière de la loi, même du point de vue de la loi islamique.

La condamnation, à vingt ans de prison, prononcée contre chacun des accusés, a suscité des condamnations de la part de divers gouvernements partout dans le monde – y compris ceux de l’Allemagne de l’Australie, du Canada, des États-Unis, de la France, de la Hongrie, de l’Irlande, de la Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas et du Royaume-Uni.

Un mois plus tard, une cour d’appel révoquait trois des accusations et réduisait leur peine à dix ans d’emprisonnement.

En mars 2011, on a informé les prisonniers que leur peine de vingt ans avait été rétablie. Malgré de nombreuses demandes, ni les prisonniers ni leurs avocats n’ont reçu une copie officielle du premier verdict ou de la décision du tribunal d’appel.

Selon Suzanne Tamas, directrice du Bureau des relations gouvernementales de la Communauté bahá’íe du Canada, il semblerait que le jugement du tribunal d’appel, qui avait réduit la peine de vingt à dix ans, a été mis de côté après que le procureur général l’ait remis en question. Cette contestation, a-t-elle expliqué, aurait été faite en accord avec une disposition du système juridique iranien qui permet au procureur général de faire appel de tout jugement d’un tribunal qu’il estime contraire aux dispositions de la loi charia auprès du chef du système judiciaire. Elle ajoute que « pour plusieurs de ces prisonniers, la peine de vingt ans est l’équivalent d’une peine de prison à vie ».

Ce dernier développement est « scandaleux, mais malheureusement, il n’est pas surprenant », a écrit Kishan Manocha, directeur du Service des affaires extérieures de la communauté bahá’í du Royaume-Uni, dans une colonne du Wall Street Journal écrite le 3 avril 2011. M. Manocha disait que l’attention accordée récemment par les médias aux soulèvements du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord avait donné aux dirigeants iraniens l’impression que la communauté internationale avait oublié le dossier des bahá’ís.

Lors du débat du 16 février 2011, le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, avait affirmé que, du fait que l’attention de la communauté internationale se tournait vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, l’ensemble de la situation des droits de la personne en Iran était oublié.

Le député Wayne Marston a dit que nous « devons nous polariser en ce moment sur le peuple iranien et les souffrances qu’il subit ainsi que sur le courage dont il fait preuve […] ».

Le rétablissement de la peine des dirigeants bahá’ís a été condamné par l’Union européenne et le Parlement européen, de même que par des gouvernements, des institutions et des citoyens de l’Allemagne, du Brésil, des États-Unis, de la France, de l’Inde et du Royaume-Uni. Des organisations pour la défense des droits de la personne comme Amnistie Internationale et Solidarité chrétienne internationale ont également exprimé leur indignation à l’égard de cette sentence.

En plus de l’arrestation illégale des dirigeants bahá’ís, depuis août 2004, quelque 379 bahá’ís ont été arrêtés en Iran et plus de 70 bahá’ís iraniens sont présentement en prison partout au pays à cause de leur religion.

En mars 2010, quatre bahá’ís ont été arrêtés à cause de leurs efforts pour fournir une éducation du niveau de la maternelle aux enfants de la province de Kerman.

Des entreprises bahá’íes ont été incendiées, on refuse régulièrement l’emploi aux bahá’ís iraniens et leur permis d’exploitation d’une entreprise est souvent révoqué.

La famille Khanjani est au nombre de ceux qui ont été la cible des pressions économiques. Bon nombre des enfants et autres parents de M. Khanjani qui travaillent dans le secteur agricole se sont vus refusés des prêts, ont subi la fermeture de leur entreprise, ont reçu des amendes inexpliquées et ont vu leurs relations d’affaires circonscrites à cause de leur religion.

« Je ne sais pas comment les membres de ma famille arrivent à survivre au jour le jour » affirme Nika Khanjani.

Les autorités iraniennes interdisent aussi aux jeunes bahá’ís l’accès aux universités. L’Institut bahá’í d’éducation supérieure, qui a été conçu pour répondre aux besoins éducatifs de ceux qui, en raison de leur religion, ne peuvent pas obtenir une éducation postsecondaire, leur offre une autre forme d’éducation supérieure.

L’Institut bahá’í d’éducation supérieure est un des nombreux moyens adoptés par les bahá’ís d’Iran pour que leurs jeunes puissent continuer à servir leur pays, malgré les graves persécutions qui sévissent.

Dans un article paru dans le Wall Street Journal le 15 mars 2011, la journaliste américaine Roxana Saberi, qui avait partagé la cellule de Mme Sabet et de Mme Kamalabadi, deux des dirigeantes bahá’íes, a dit se souvenir de leur « générosité » et de leur « compassion ». Elle a dit que les deux femmes encourageaient les autres prisonnières et leur donnait courage et qu’elles avaient pris soin d’elle durant sa grève de la faim.

Dans le même article, elle a dit que lorsque les autorités de la prison Rajar Shahr ont ordonné aux autres prisonnières de rompre leurs contacts avec Mme Sabet et Mme Kamalabadi, elles ont refusé et ont continué à chercher leur compagnie.

La regrettée Mme Khanjani a aussi continué de servir son pays, malgré les persécutions intenses que lui a fait subir le gouvernement. « Elle s’occupait d’un groupe de 40 à 50 enfants, sans égard pour leur religion », explique Diane Ala’i, représentante de la Communauté internationale bahá’íe aux Nations unies à Genève.

Mme Nika Khanjani a dit que depuis la mort de sa tante, les membres de sa famille en Iran pleuraient sa disparition « en privé et silencieusement », mais qu’ils poursuivaient leurs activités et continuaient de servir leur collectivité.

À une séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le 27 mars 2009, le député Mario Silva avait pris la défense des bahá’ís d’Iran, comme les membres de la famille Khanjani.

« À titre de parlementaires et de dirigeants de la communauté internationale, ayant fait preuve d’un engagement de longue date dans la défense des droits de la personne, nous devons condamner cette situation sans réserve et à toutes les occasions qui se présentent », avait-il dit.