Des députés, des représentants de diverses collectivités confessionnelles et des membres du grand public se sont réunis pour discuter de la polarisation au Canada lors d’un déjeuner organisé sur la Colline du Parlement le 8 juin 2023. Intitulé La menace de polarisation au Canada, le déjeuner de discussion était organisé par le Caucus interconfessionnel parlementaire multipartite et la Conversation interconfessionnelle canadienne. Il faisait suite à la conférence nationale Une société complète qui s’est tenue à l’Université Laurier en mai et qui a également exploré le défi de trouver un terrain d’entente à une époque où les divisions sociales s’aggravent dans la société canadienne.
Le programme a débuté par des remarques de représentants de collectivités confessionnelles qui ont donné un aperçu de leur rôle dans la lutte contre les effets de la polarisation au Canada. Notant que la polarisation est souvent renforcée par des histoires qui encouragent la peur et la méfiance, Amira Elghawaby, représentante spéciale du Canada pour la lutte contre l’islamophobie, a décrit les collectivités confessionnelles comme des lieux clés pour la production de récits qui favorisent une plus grande valorisation de la diversité dans la société. « Nous devons fermement opposer aux voix qui sèment la discorde des histoires sur ce que signifie appartenir à un pays qui aspire à des valeurs de diversité, de liberté et de sécurité pour tous. Bien que la tâche ne soit pas facile, nous devons collaborer au sein des collectivités confessionnelles et au-delà d’elles […] avec la détermination d’influer sur le changement social », a déclaré M. Elghawaby.
Andrea Salguero, directrice du Bureau des affaires publiques de la Communauté bahá’íe du Canada, a décrit la capacité des collectivités confessionnelles à ouvrir des espaces consacrés à la méditation et à la prière comme un moyen d’inverser le processus de déshumanisation inhérent à une polarisation accrue. « Dans les espaces de prière, nous sommes mieux à même de voir l’humanité des autres et de puiser l’inspiration qui nous aide à transformer l’agacement en patience et l’agression en paix. Le défi auquel sont confrontées les collectivités confessionnelles est de veiller à ce que des milieux accueillant un large éventail de personnes et de points de vue soient cultivés », a déclaré Mme Salguero.
Richard Marceau, vice-président des affaires extérieures et avocat général du Centre pour Israël et les affaires juives, a fait remarquer que surmonter la polarisation ne consistait pas à éliminer les divergences d’opinions présentes dans une démocratie saine, mais plutôt à favoriser un plus grand respect et une plus grande capacité d’écoute dans les relations avec les autres. « Le désaccord, même lorsqu’il porte sur des vérités fondamentales, peut s’exprimer dans le respect. Lorsque vous êtes sûr de votre tradition religieuse, de vos croyances et que vous respectez les autres, cela rapproche les gens », a déclaré M. Marceau.
Les membres de l’Assemblée parlementaire interconfessionnelle multipartite ont également réfléchi à leur propre expérience de la polarisation. Les parlementaires ont axé leurs remarques sur la manière de réagir de manière constructive face aux désaccords et sur la façon dont la religion peut être une source d’inspiration pour le maintien d’une société ouverte et pluraliste dans laquelle des voix différentes sont accueillies pour contribuer à une sphère publique dynamique.
Garnett Genuis, député de Sherwood Park-Fort Saskatchewan, a réfléchi à la relation entre la polarisation, l’identité et le déclin de la vie communautaire. « La polarisation [politique] actuelle est due au fait que de nombreux politiciens n’ont plus de liens avec les communautés prépolitiques. La politique est tout ce qu’ils ont et il n’y a rien pour contrôler ou modérer leur dévotion à leur idéologie commune », a déclaré M. Genuis. Il a souligné que le fait d’avoir de multiples identités qui se chevauchent en tant que membre d’une collectivité confessionnelle ou d’un quartier permet de contrôler l’identité politique étroite et a souligné la nécessité de voir les autres comme étant plus qu’une combinaison de caractéristiques matérielles, d’expériences et d’opinions politiques. « Voir les gens comme ayant une valeur inhérente et illimitée […] parce qu’ils sont faits à l’image de Dieu […] peut nous amener à valoriser notre humanité commune en dépit de nos différences de points de vue et de caractéristiques. Si quelqu’un n’a rien d’autre en commun avec vous, il a toujours ce point commun essentiel en tant qu’être humain ».
Elizabeth May, députée de Saanich-Gulf Islands et codirigeante du Parti vert du Canada, a parlé de la nécessité urgente de lutter contre la violence résultant de la polarisation de la société tout en conservant de l’empathie pour les jeunes qui risquent le plus d’être la cible d’idéologies haineuses. « Toutes les traditions qui nous invitent à savoir que nous ne sommes pas la seule chose qui existe nous rappellent que nous sommes responsables de nos propres actions et que nous devons agir avec amour », a déclaré Mme May.
Sameer Zuberi, député de Pierrefonds-Dollard, a clôturé le programme par ses propres réflexions sur l’importance du dialogue : « En fin de compte, nous sommes unis ici par des valeurs fondamentales qui appellent au respect de chaque personne, quelle que soit son origine. Il est important de pouvoir se parler, mais il est plus difficile de s’écouter, comme nous l’avons fait aujourd’hui. Ce rassemblement est si important pour la construction de ponts et unique en son genre parce qu’il a réuni tant de personnes d’horizons différents. »
On peut accéder ici à un enregistrement de cette conversation.