Ross Woodman, professeur émérite à l’Université Western de London, en Ontario, est décédé cette semaine à l’âge de 91 ans. Il fut membre de la première Assemblée spirituelle nationale, le conseil responsable de la communauté bahá’íe du Canada, élu en 1948.
À son décès, la Maison universelle de justice, l’organisation dirigeante de la communauté mondiale bahá’íe, a écrit « Nous nous souvenons avec admiration de ses nombreuses années au service de la Cause et de l’humanité, y compris en tant que membre de votre première Assemblée spirtuelle nationale et en tant que protecteur des arts dans la collectivité. » [traduction]
Dans une lettre adressée à sa famille et à ses amis, l’Assemblée spirituelle nationale a dit qu’il était « [u]n des plus grands experts canadiens sur la littérature romantique [anglaise] […]. Pour lui le sujet de son érudition et la Foi qu’il avait adoptée étaient une seule et même chose : pendant toute sa vie, sa conviction fut que le travail des romantiques était lui-même un reflet de l’influence de la révélation bahá’íe sur les esprits réceptifs du monde anglophone. » [traduction]
Alors qu’il était un tout jeune membre de la communauté, il voyagea dans toute l’Amérique du Nord, donnant des conférences sur la foi bahá’íe. Pendant la dernière partie de sa vie, il prononça à Toronto, une série de discours sur plusieurs livres fondamentaux de la Foi et écrivit des articles pour la revue érudite, « Journal of Baha’i Studies ». Il écrivit son dernier livre, « “Revelation and Knowledge, Romanticism and Religious Faith » [Révélation et connaissance, romantisme et foi religieuse], en collaboration avec le professeur Joel Faflak, dont la contribution fut un essai d’introduction — « Beyond Belief/Having Faith ».
Dans son dernier livre, M. Woodman a examiné la religion, le romantisme, la théorie psychanalytique moderne et la foi religieuse dans une réflexion autobiographique sur toute sa vie consacrée à la révélation de Bahá’u’lláh, le prophète fondateur de la foi bahá’íe. Ce fut le point culminant d’un nombre considérable d’ouvrages publiés — exposés universitaires et articles de journaux — sur les arts et les lettres, ainsi que deux livres publiés plus tôt par la University of Toronto Press : « The Apocalyptic Vision in the Poetry of Shelley, » [La vision apocalyptique dans la poésie de Shelley] et « Sanity, Madness, Transformation: The Psyche in Romanticism » [Santé mentale, folie, transformation : la psyché dans le romantisme]. En 1992, les presses universitaires McGill-Queen publièrent « The Mind in Creation: Essays on English Romantic Literature in Honour of Ross G. Woodman » [L’esprit dans la création : essais sur la littérature anglaise romantique, en l’honneur de Ross G. Woodman], édité par J. Douglas Kneale.
Pendant de nombreuses années, M. Woodman fut aussi un professeur motivant pour des centaines d’étudiants d’anglais et un partisan enthousiaste des arts. À l’occasion du décès de M. Woodman, l’écrivain James Reaney écrivit à son sujet, « le grand citoyen de London, un des plus éloquents promoteurs des arts au Canada et un ancien membre du département d’anglais de l’Université Western […]. Même si je suis bouleversé par la triste nouvelle, je revois Ross, malicieux, passionné et rayonnant, s’adressant à la foule dans la salle Woodman de la galerie Michael Gibson en janvier […] cela me rappelle le rôle qu’ont joué les Woodman (Ross et sa femme Marion) dans les années 1960 et plus tard, pour aider les arts et les artistes de London à atteindre une renomméemondiale. »
M. Woodman était marié à l’auteur et psychanalyste mondialement connue, Dre Marion Woodman. Il naquit en Nouvelle-Écosse en 1922, servit dans l’Aviation royale du Canada, obtint une maîtrise de l’Université de Winnipeg (alors United College) et un doctorat de l’Université de Toronto où il fit partie du premier séminaire d’étudiants diplômés de Northrop Frye. Il reçut le Distinguished Scholar Award de la Keats - Shelly Association of America, et il était un collectionneur passionné d’art canadien et international.
Avant de s’enrôler officiellement dans la communauté bahá’íe en 1945, et alors qu’il était encore étudiant au Manitoba, M. Woodman publia en 1943 le premier article sur la Foi bahá’íe dans un journal étudiant, « The Manitoban, » intitulé « Religion in the Modern World » [La religion dans le monde moderne]. Élu à la première Assemblée spirituelle nationale des bahá’ís du Canada au Congrès national bahá’í canadien de 1948 à Montréal, bien qu’il n’eût qu’une vingtaine d’années, il fut l’un des deux orateurs lors d’une réunion publique qui attira 500 personnes pendant ce Congrès. L’autre oratrice était Madame Elsie Austin, la première noire Américaine à être procureur général adjoint aux États-Unis.
Dans l’un des nombreux essais écrits après avoir pris sa retraite de l’enseignement, « The Baha’i Concept of Freedom and Authority (including Some Personal Reflections) » [La conception bahá’íe de la liberté et de l’autorité (y compris quelques réflexions personnelles), M. Woodman déclare que « l’autorité de Dieu dont dépend la liberté de l’homme est une autorité qui, loin d’être imposée, est soufferte et endurée comme étant le seul moyen par lequel, apparemment, elle peut pénétrer la conscience humaine… Dans cet essai, il raconte les efforts de toute une vie, aux prises à la fois avec son inébranlable foi dans la réalité de Bahá’u’lláh et de sa Révélation, et avec la question de savoir comment concilier cette foi avec une fructueuse carrière universitaire basée sur sa passion pour les poètes romantiques anglais.
Il a, toutefois, écrit que nous pouvons trop facilement confondre notre reconnaissance de l’expérience de la réalité de Dieu et la foi religieuse avec d’autres passions. Bien qu’elles soient importantes quand on travaille à la connaissance de soi, de telles passions dans sa carrière universitaire étaient devenues, écrit-il, « un brasier de tribulations dans lequel Bahá’u’lláh m’éprouvait, forgeant par cette épreuve ‘‘un seul élément, solide et indivisible, capable d’exécuter son dessein’’ ». Une fois qu’il avait cru avoir trouvé la liberté dans la poursuite d’objectifs matériels et temporels, il réalisa qu’une telle expérience était devenue « un paradis artificiel, dont le vide spirituel » avait été difficile à saisir, à cause de la sécurité — financière et autres — et du sentiment artificiel de liberté que lui procurait sa carrière.
Quand on demanda à M. Woodman, vers la fin de sa vie, d’expliquer le thème de son dernier livre, il expliqua que « pour comprendre la poésie, vous devez laisser de côté toute conviction et entrer dans le monde du poème. Cependant, avec la foi religieuse, contrairement au monde de l’imaginaire littéraire, vous laissez de côté toute conviction afin d’entrer dans le monde que Dieu a destiné pour votre vie, et puis vous découvrez que le monde de la Révélation divine est la réalité qui est véritablement authentique. »