Alors que les partis politiques canadiens rivalisent les uns avec les autres pour obtenir l’appui des électeurs aux prochaines élections fédérales, les bahá’ís du Canada se préparent à participer à leurs propres élections locales et nationales. Bien que les élections fédérales et bahá’íes soient toutes deux de nature démocratique, leurs processus ne pourraient pas être plus différents.
Le système politique canadien reflète bien les réformes démocratiques fondamentales qui ont servi à donner à l’humanité de meilleurs moyens de se gouverner, mais il n’est pas sans problèmes. Le cynisme et l’apathie à l’égard du système électoral canadien sont plus prononcés que jamais, particulièrement chez les jeunes électeurs. Certains politologues ont attribué cette apathie à une baisse d’intérêt généralisée pour la démocratie institutionnelle.
Ils lient ce phénomène à la disjonction qui existe entre ce que les politiciens disent et font et le mode de fonctionnement de la démocratie que les gens, particulièrement les jeunes, espéreraient voir. Les scandales éthiques, les annonces attaquant un adversaire politique et les relations de plus en plus acrimonieuses entre les partis politiques aigrissent l’attitude du public envers les politiciens et le gouvernement.
Il se peut que de telles pratiques soient inévitables pour les systèmes politiques qui reposent sur une approche compétitive et partisane. Ces systèmes ont souvent tendance à favoriser les intérêts de ceux qui disposent de l’influence et de l’argent essentiels au lancement et au financement d’une campagne électorale. L’éthique propre à la politique partisane encourage les dissensions et l’utilisation d’une rhétorique immodérée, ce qui renforce le sentiment de désenchantement des électeurs.
La communauté bahá’íe, quant à elle, emploie un tout autre modèle pour l’élection de ses conseils locaux et nationaux, les assemblées spirituelles. Chaque année, le 20 avril – le premier jour de la fête du Ridván, qui marque le jour où Bahá’u’lláh a déclaré sa mission en 1863, qui était d’établir une nouvelle religion vouée à l’unité de l’humanité – dans les collectivités partout au pays, les bahá’ís se réunissent pour élire une assemblée locale.
L’esprit qui anime ces élections est exceptionnel. En effet, celles-ci se font sans nominations, campagnes ou promesses, et les électeurs votent par scrutin secret pour les adultes bahá’ís de leur localité qu’ils considèrent le mieux qualifiés pour servir. De plus, les élections se déroulent dans une atmosphère de prière et de contemplation et sont animées par une conception centrée sur le service de la collectivité. Les assemblées fonctionnent selon un modèle consultatif centré sur la création d’un consensus. Au Canada comme dans les autres pays, l’assemblée spirituelle nationale est élue par un processus identique, qui exclut l’esprit de parti, les nominations et les campagnes, lors d’élections démocratiques auxquelles participent des délégués élus par les électeurs locaux. Les membres de l’Assemblée spirituelle nationale suivent le même processus pour élire les membres du conseil mondial de la communauté bahá’íe, la Maison universelle de justice.
Les bahá’ís du Canada se servent depuis des années de ce modèle électoral et cherchent continuellement à mieux l’appliquer. C’est à Montréal en 1922 que la première assemblée spirituelle locale du pays a été élue, et aujourd’hui ces conseils, chargés d’administrer les affaires de la communauté bahá’íe, existent dans 239 localités.
Il n’y a pas de clergé dans la foi bahá’íe. Les activités locales sont appuyées et guidées par diverses institutions dont l’assemblée spirituelle locale, mais elles sont en grande partie l’initiative des bahá’ís, à titre individuel. Les institutions élues se préoccupent principalement de développer chez les bahá’ís la capacité d’aider un nombre croissant de personnes de leur localité à prendre en main leur développement matériel, spirituel et intellectuel.
Même s’il n’est encore suivi que dans des collectivités relativement petites, le modèle électoral bahá’í est très prometteur puisqu’il a été testé à l’échelle planétaire, même dans des régions qui ne bénéficient pas d’une longue tradition démocratique. Il y a maintenant 184 assemblées spirituelles nationales dans le monde et environ 12 000 assemblées spirituelles locales, et à mesure que les communautés bahá’íes croissent et deviennent plus complexes, leurs membres continuent à apprendre en s’efforçant d’appliquer les beaux principes du modèle électoral bahá’í dans un nouveau contexte, comportant de nouvelles difficultés.