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Les discours de la série de conférences Massey de 2017 à la CBC font appel à un nouvel esprit des droits de la personne

Les discours de la série de conférences Massey de 2017 à la CBC font appel à un nouvel esprit des droits de la personne

Par l’intermédiaire des discours Massey de cette année à la CBC, le procureur de l’ONU et spécialiste des droits de la personne, M. Payam Akhavan, offre ce qu’il a qualifié « d’un surprenant message d’espoir ». Il décrit les cinq discours et son livre intitulé In Search of a Better World: A Human Rights Odyssey comme en partie mémoires, en partie histoire et en partie appel à l’action.

La série de conférences Massey a eu ses débuts en 1961, et a été nommée en l’honneur de Vincent Massey, l’ancien gouverneur général du Canada. La série, diffusée à la radio, donne la parole à d’importants penseurs canadiens et ils y explorent les questions du jour. Les conférenciers ont inclus des personnalités importantes comme Martin Luther King Jr., Margaret Atwood et Stephen Lewis.

Les discours de M. Akhavan sont plus personnels, car ils incluent des histoires et des réflexions sur des moments charnières de sa vie. Selon l’ancien sénateur Hugh Segal, qui est aujourd’hui doyen du College Massey, les conférences montrent que les droits de la personne relèvent en partie de l’expérience vécue. Dans son livre, Payam Akhavan se sert d’exemples personnels pour montrer qu’une expérience d’injustice peut motiver une personne à lutter pour la justice.

« Vivre une injustice est une expérience intime », dit-il, « elle crée un lien émotif et spirituel avec la souffrance d’autrui. »

Dans son premier discours, intitulé « Avoir conscience de la souffrance » [The knowledge of suffering], il décrit un moment charnière de sa vie où il a ressenti les effets de l’injustice, quand une jeune femme de seize ans, appelée Mona Mahmudnizhad, une éducatrice d’enfants et un défenseur des droits fondamentaux, a été exécutée le 19 juin 1983, à cause de ses croyances bahá’íes. M. Akhavan avait alors aussi seize ans.

« Il ne s’agissait pas d’un court bulletin de nouvelles, ou d’un malheureux événement lointain, ou d’une victime abstraite qui allait vite être oubliée », a-t-il écrit. « C’était une expérience vécue intimement. Elle a tranché dans ma complaisance comme une lame de couteau. »

« La mort de Mona a tout changé », a-t-il écrit. « Je ne serais jamais plus le même. »

La mort de Mona et les nouvelles des souffrances d’amis bahá’ís proches aux mains du gouvernement iranien ont inspiré M. Akhavan à étudier le droit international en matière des droits de la personne à l’Université Harvard. Il a aussi pris la décision de ne pas définir le succès par « la richesse et la position sociale », choisissant plutôt de tenter de répondre aux derniers vœux de Mona, qui espérait que les jeunes se lèvent pour servir l’humanité. À 26 ans, il est devenu le plus jeune procureur chargé de crimes de guerre.

Quand on lui a demandé comment la foi bahá’íe avait défini sa vie et son travail, M. Akhavan a répondu que Mona et d’autres membres de la communauté bahá’íe lui avaient montré que le leadership s’exerce par « la rareté des mots et l’abondance des actes ».

« C’est là l’essentiel de ce que je désire communiquer par ces conférences », a-t-il dit. « Le monde n’a pas besoin qu’on parle plus, il a besoin de gens qui se lèvent et deviennent les champions de la cause des droits de la personne. »

Le texte du premier discours reproduit dans le livre porte sur les expériences formatives de M. Akhavan en tant que bahá’í iranien, mais il affirme que les idéaux bahá’ís ont servi à définir l’ensemble des cinq allocutions. Il considère que les principes essentiels de sa pensée incluent l’unicité de l’humanité, et la noblesse essentielle des êtres humains, « cette hypothèse fondamentale voulant que nous ne sommes pas des créatures incorrigiblement égoïstes et agressives, et qui affirme que la nature humaine comporte une dualité et que le rôle de la civilisation est de réaliser le potentiel qui existe en nous. »

M. Akhavan considère qu’une profonde conviction de l’unicité de l’humanité est l’antidote de la violence extrême et un important élément d’une culture des droits de la personne. Selon lui, « Si nous ne parvenons pas à créer une profonde conviction de l’unicité de l’humanité, nous n’aurons qu’une civilité superficielle, sous laquelle les forces de la convoitise, de la haine et de la violence se cachent, et celles-ci se manifesteront ouvertement quand des tumultes politiques se produisent ». Il a expliqué que ces forces ténébreuses s’étaient manifestées au Rwanda durant la période de souffrance économique précédant le génocide, ajoutant que « le spectre du néonazisme et de la suprématie blanche » montre qu’il est possible que les idéaux de l’égalité ne soient pas aussi profondément ancrés qu’on pourrait l’imaginer.

Il a aussi affirmé qu’il était essentiel que la compréhension intellectuelle de l’interdépendance des peuples soit accompagnée d’une volonté d’agir. M. Akhavan a affirmé que l’idée que nous sommes un seul peuple qui habite une même planète n’était pas « un idéal naïf qui procure un bien-être superficiel ». Il s’agit plutôt d’une « dure et pénible réalité », comme nous le montre une analyse d’un grand nombre de problèmes internationaux comme les changements climatiques, la stabilité économique, les migrations, le contrôle du crime organisé et la transmission des maladies.

Pour dépasser une compréhension intellectuelle de notre humanité commune, il est nécessaire de créer une culture qui « exploite notre potentiel spirituel, et non une culture qui engendre égoïsme et agression », a affirmé M. Akhavan. Il explore ce thème plus en profondeur dans sa dernière allocution, intitulée « L’esprit des droits de la personne ».

« En glorifiant la cupidité, nous avons créé l’idée que nous progresserons si nous nous adonnons à une consommation effrénée », ajoutait M. Akhavan, « et maintenant nous désirons réconcilier cette culture de cupidité et d’amour de son propre confort avec une culture des droits de la personne, et ces deux cultures se trouvent sur une trajectoire qui mène à une collision. »

Il croit que les êtres humains ont un choix à faire quant au type de culture qu’ils désirent développer, puisqu’ils peuvent être égoïstes ou, au contraire, altruistes, deux attitudes opposées qu’il a personnellement observées dans son travail.

« J’ai vu tous les types d’êtres humains — les criminels de guerre et les tueurs kamikazes, les survivants d’un génocide et ceux qui ont sacrifié leur vie à la cause de la justice et de l’amélioration de la condition humaine », a-t-il dit. « Quand on voit ces deux extrêmes, on se rend compte que nous sommes capables des pires actions ou encore des actions les plus nobles. »

En tentant de comprendre ce qui incite les gens à participer à des actions d’une cruauté indescriptible, M. Akhavan a été rassuré de constater que des atrocités collectives comme l’épuration ethnique en Yougoslavie ou le génocide au Rwanda n’étaient pas inévitables.

« Je tente de disséquer l’anatomie des manifestations collectives de violence et de faire la lumière sur elles, en montrant à quel point elles sont artificielles. Elles ne sont pas comme les désastres naturels que nous observons, comme un tremblement de terre ou un tsunami. Il s’agit plutôt de désastres créés par des êtres humains. Ils sont le résultat de choix politiques. De très grands préparatifs sont nécessaires pour démanteler une société multiethnique », expliquait M. Akhavan, ajoutant que pour que des atrocités collectives se produisent, il faut que la population soit soumise à une propagande haineuse, il faut qu’elle soit organisée et mobilisée.

Étant donné que les grands fléaux de notre époque sont, dans un certain sens, prévisibles, ils sont par conséquent évitables, selon M. Akhavan. Cela veut dire que nous pouvons choisir une autre voie.

Les discours Massey de 2017 sont prononcés devant un auditoire lors d’une tournée canadienne qui a lieu du 13 septembre au 4 octobre 2017.

Le texte des discours a été publié dans l’ouvrage intitulé In Search of a Better World, par la maison d’édition Anansi Press.

Les discours seront diffusés du 6 au 10 novembre 2017, à l’émission Ideas de la chaîne CBC Radio.