Se joignant à 97 délégués venus de 40 pays, un représentant de la communauté bahá’íe du Canada a été invité, ainsi qu’un deux autres délégués canadiens, à participer à la conférence annuelle sur la loi et la religion, organisée par le Centre international d’études sur la loi et la religion [International Center for Law and Religion Studies (ICLRS)]. La conférence, dont le thème était Les droits en matière de religion dans un monde pluraliste, a eu lieu à l’université Brigham Young, du 2 au 5 octobre dernier. M. Gerald Filson s’est joint au professeur John Borrows, un spécialiste en loi autochtone de l’université de Victoria et à Mme Sandra Pallin, directrice des affaires extérieures de l’Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours, qui formaient la délégation canadienne.
Le rapporteur sortant des Nations Unies sur la liberté de religion et de conviction, le professeur Heiner Bielefeldt, a prononcé le discours-programme de la conférence. Divers penseurs et activistes importants ont pris la parole au cours des autres séances, dont Ján Figel’, envoyé spécial pour la promotion de la liberté de religion ou de conviction à l’extérieur de l’Union européenne, l’archevêque Bernardito Auza, représentant permanent du Saint-Siège aux Nations Unies, et M. Tassaduq Hussain Jillani, juge en chef de la Cour suprême du Pakistan. L’Américain W. Cole Durham Jr, fondateur du Centre international d’études sur la loi et la religion a présidé la conférence.
Durant la séance plénière, après que plusieurs conférenciers ont dit que la liberté de religion avait perdu du terrain au cours des dernières années, le professeur Bielefeldt a soulevé la question de la persécution des bahá’ís. Il s’est d’abord dit d’accord avec les avis exprimés par d’autres avant lui énumérant les obstacles que la liberté de religion devait surmonter, mais il a ajouté qu’il y avait un aspect positif. Il a alors donné deux exemples d’actions qui nous permettent d’avoir bon espoir. Il a raconté qu’à une récente réunion aux Nations Unies, la représentante de la communauté bahá’íe s’est élevée contre des tentatives pour attaquer et persécuter l’islam chiite. Cela, a-t-il souligné, était l’action de la représentante d’une religion qui est elle-même gravement persécutée par une école malavisée de l’islam chiite en Iran qui fait tout ce qu’elle peut pour persécuter les bahá’ís. Il a affirmé que c’était de cette façon que nous pouvions promouvoir la liberté de religion, quand, dans un esprit de sacrifice et en agissant avec courage et force morale, ceux qui appartiennent à diverses confessions prennent l’initiative pour changer le climat et pour renforcer par la collaboration interconfessionnelle les efforts qui contribuent à l’élimination de la discrimination religieuse et du sectarisme, et offrent un exemple d’harmonie et de compréhension interconfessionnelles.
Les délégués ont chaleureusement accueilli l’allocution du professeur Bielefeldt. Dans un discours-programme intitulé « La liberté de religion en tant que provocation », il a expliqué que la liberté de religion considérée comme un droit fondamental était souvent une provocation pour les gouvernements, particulièrement pour ceux qui limitent la liberté de religion en créant une courte liste de religions « officielles », en refusant la liberté aux autres confessions, en décrétant quelles libertés seront accordées à certaines religions et quelles libertés ne le seront pas, en limitant, au nom de l’ordre public, les activités de religions minoritaires, tout en privilégiant celles des religions majoritaires. Il a aussi dit que d’autres gouvernements, souvent occidentaux, se servent de l’égalité et des lois antidiscriminatoires de façons qui sont contraires à la déclaration universelle sur les droits de l’homme, afin de miner les droits à l’égard de la liberté de religion. La liberté de religion est aussi une provocation pour les religions, a-t-il poursuivi, car bien des adeptes d’une religion continuent de privilégier leur propre religion, souvent une religion majoritaire, par rapport aux autres religions, de manières injustes, parfois au moyen de lois anti-conversion et anti-prosélytisme qu’elles incitent leur gouvernement à imposer, et en déniant la liberté d’expression à ceux qui désirent participer, même d’une manière réfléchie et respectueuse, à une étude méthodique des enseignements religieux. Enfin, le professeur Bielefeldt a dit que la liberté de religion pouvait être problématique pour la communauté des droits de la personne, quand certains de leurs défenseurs cherchent à faire des droits de la personne une sorte de religion civile, et déforment le concept des droits de la personne, concepts qui se traduisent en normes légales importantes, mais qui n’offrent qu’un faible degré de protection. Il a résumé son allocution en disant que bien des gouvernements et bien des religions ont toujours beaucoup de difficulté à comprendre les caractéristiques particulières de la liberté de religion et le rôle central qu’elle joue au sein de la société.
Au cours de la table ronde à laquelle il a participé, M. Gerald Filson a souligné l’importance fondamentale des droits de la personne, et a ajouté que les valeurs morales et les normes religieuses pouvaient contribuer à la société bien au-delà du seuil minimum de comportement que les droits de la personne protègent par des moyens juridiques, indiquant que les valeurs éthiques et morales s’inspirent de Dieu et puisent de lui leur force normative, qu’elles ne reposent pas uniquement sur l’autosuffisance morale de l’autonomie et de la liberté individuelles, telles qu’elles sont comprises aujourd’hui de façons purement séculières et individualistes. Un point de vue religieux va aussi au-delà de ce qu’exigent les étroites lois nationales et des états, ainsi que les normes des droits de la personne, si développées soient-elles, même dans les démocraties les plus avancées, pour satisfaire le plus bas dénominateur commun des comportements acceptés.
Au cours de son allocution, M. Filson a indiqué que les normes éthiques plus complètes qui sont animées par la religion comportent des responsabilités individuelles et collectives envers la société, responsabilités qui défendent et renforcent les normes définies par les droits de la personne, mais qui vont plus loin que les définitions de base de ce que cela veut dire que d’être un citoyen. En cultivant des vertus ou capacités, comme la générosité, la camaraderie, l’amour et le sacrifice, pour n’en nommer que quelques-unes, on arrive à créer une société basée sur le respect mutuel, la coopération et la participation universelle à des efforts de développement de la collectivité. La collaboration interconfessionnelle est importante, alors que les collectivités et les institutions confessionnelles apprennent à travailler ensemble pour puiser dans le langage riche et la longue expérience que toutes les religions ont en commun, afin de générer une compréhension mutuelle plus authentique et une meilleure pratique de l’unité et de la justice dans la société.
M. Filson était d’accord que les droits de la personne sont, bien sûr, un élément important de cette question, mais, selon lui, la collaboration interconfessionnelle peut servir à renforcer le respect de ces droits tout en s’efforçant d’aller plus loin, et de promouvoir le rôle de la religion dans la sphère publique. Aujourd’hui, la religion doit servir les meilleurs intérêts de la société, et, ainsi, faire preuve d’une compréhension plus large et plus irréfutable de la dignité humaine qu’il est possible d’obtenir en se concentrant uniquement sur les droits de la personne. Après tout, la dignité humaine est le fondement des droits de la personne et du domaine plus large des responsabilités collectives que nous avons tous à l’égard du progrès de la civilisation.