Près de mille personnes ont participé cette année à la 33e conférence annuelle de l’Association d’études bahá’íes qui s’est tenue du 14 au 16 août à Washington, D.C.. Pour la première fois, l’Association a fait appel à une autre organisation, le Forum international pour l’environnement (FIE), pour organiser conjointement la conférence. Deux conférenciers ont pris la parole en séance plénière, le géographe Peter Brown de l’université McGill à Montréal et le professeur Soli Shahvar de l’Université de Haïfa. L’artiste canadien bien connu Donald Otto Rogers, ancien membre du Centre international d’enseignement, a prononcé une remarquable allocution pour la conférence commémorative Balyuzi.
Le thème de la conférence les environnements, était assez vaste pour permettre d’aborder diverses considérations générales sur l’environnement naturel, bâti ou socioculturel tout en portant une attention particulière sur l’actualité et l’érudition, à la fois en séances plénières ou en petits groupes. Dans son allocution du vendredi matin, le professeur Peter Browni a invité son auditoire à considérer les êtres humains et la nature d’un point de vue radical, affirmant que la nature humaine est « amphibie » dans le sens que les êtres humains vivent dans le temps et hors du temps, et que, par conséquent, ils considèrent l’avenir d’un autre point de vue que les autres espèces. Peter Adriance, membre du Bureau des affaires extérieures de l’Assemblée spirituelle nationale des États-Unis a répondu à son excellente présentation.
« Nous considérons toujours les questions économiques séparément des questions sociales et environnementales », a expliqué M. Arthur Lyon Dahl dans son discours-programme sur le thème de la conférence. M. Dahl, ancien sous-directeur administratif adjoint du Programme des Nations Unies pour l’environnement et président actuel du Forum international pour l’environnement, a appelé son auditoire à travailler de l’extérieur à la transformation de l’environnement, un thème qui est aussi ressorti de certaines autres présentations.
Une table ronde sur les environnements sociaux et culturels rassemblait entre autres Kit Bigelow, du Bureau des affaires extérieures de la communauté bahá’íe des États Unis, qui a parlé des environnements créés par le langage. Mark Perry, anciennement de l’Université de Beyrouth, a discuté l’avenir de la ville et de la société dans le contexte d’un environnement naturel et social changeant et le professeur Payam Akhavan, de la faculté de Droit de l’Université McGill, a remis en question l’interprétation selon laquelle la persécution des bahá’ís en Iran est uniquement motivée par la religion et il a examiné les implications de cette idée pour une identité bahá’íe. Il a fait ressortir que le rôle joué antérieurement par la communauté bahá’íe en tant que force génératrice de changement social constructif pouvait être rétabli dans le contexte actuel.
un des moments forts de la conférence a été la conférence commémorative Balyuzi donnée par Otto Donald Rogers. Il a proposé à son auditoire de considérer les activités artistiques comme une entreprise intellectuelle et spirituelle. en examinant quatre thèmes – l’intellect, l’espace, le processus et la forme – il a montré en détail comment le processus créatif servait à explorer les réalités qui existent à la limite du monde matériel et du monde spirituel. Avant son discours, la tablette à Ahmad avait été chantée magnifiquement et M. Rogers, qui avait été très ému, s’y est référé à plusieurs reprises pour illustrer son thème. durant son discours, pour aider son auditoire à considérer sa thèse, selon laquelle l’art abstrait saisit des réalités universelles, quatre de ses œuvres ont été projetées, chacune pendant quinze minutes.
Il a exploré certains éléments mystiques de la vie des artistes aussi bien que des aspects concrets de la vie collective. M. Rogers a également exploré la beauté esthétique des Écrits de Bahá’u’lláh et s’est servi de diverses métaphores basées sur la nature pour faire ressortir l’unité inhérente des éléments de la création et l’interdépendance qui existe entre eux.
Un des participants à la conférence, Pejman Mosleh a fait remarquer que, en ce qui concerne les présentes activités de la communauté, « Le groupement est une œuvre d’art et, comme une chute d’eau, l’enseignant tombe dans le vide, à l’aise avec ce qui doit arriver. [Voilà] comment Don Rogers décrivait le travail que nous devons accomplir pour le plan et la confluence entre le cœur humain et son environnement. Élégamment simple et simplement élégant. »
M. Rogers a expliqué son processus créatif : « J’arrive dans mon studio et je vois une toile vierge. » Cette toile est limitée dans l’espace physique, mais, sur le plan intellectuel, elle est ouverte au processus et à la forme artistique. « Je dois garder cet espace en vie et maintenir son intégrité pour qu’il ne s’envole pas d’un côté ou de l’autre. Dans cette situation, une personne doit faire preuve d’une précision absolue. » Il a comparé la préservation de la vie de cet espace à l’ajustement d’un instrument de musique, en ajoutant que son utilisation était importante. « Celui qui possède la connaissance mystique dans Les sept vallées de Bahá’u’lláh dit qu’il ‘‘ faut ici la mort du moi ’’, a expliqué M. Rogers, « et je pense à cela chaque fois que je vais dans mon studio. Je mène mon esprit jusqu’à cette limite et je permets au processus de me faire avancer, je cours pour garder le pas avec le processus. Le processus suit sa propre volonté. »
Ensuite, il a fait la comparaison entre le processus artistique et celui qui sert à bâtir une communauté; le processus de la création artistique est itératif, tout comme l’est celui de la création d’une communauté.
Il a particulièrement fait appel aux jeunes bahá’ís pour qu’ils utilisent les médias électroniques et les réseaux sociaux pour communiquer et créer des liens propres à une communauté confessionnelle, tout comme les premiers chrétiens se servaient des gravures sur bois pour enluminer les textes avec élégance et beauté. Nous pouvons nous servir de l’enluminure et de l’art pour transformer les cœurs.
En conclusion, il s’est servi de ce passage de Bahá’u’lláh « Dieu s’est réservé pour lui-même la cité du cœur des hommes », en disant que les bahá’ís devraient être comme des clés qui ouvrent les portes de ces cités.
M. Soli Shahvar, qui était conférencier invité, a expliqué à quel point il avait été intrigué par le paradoxe des écoles bahá’íes en Iran, qui ont vu le jour durant le régime oppressif de la dynastie des Qajar et ont été abolies durant le régime soi-disant plus libéral des Pahlavi. Son point de vue de juif israélien d’origine iranienne a suscité chez-lui des questions que les bahá’ís, qui connaissent les choses de l’intérieur, oublient parfois de poser. Dans son discours intitulé Ouvrir et fermer les portes : L’État et les écoles bahá’íes en Iran, il a exploré l’absence honteuse de l’histoire de la communauté bahá’íe dans l’historiographie iranienne.
L’allocution de la conseillère Ann Boyles était la dernière de la conférence. Elle a parlé de la nature du changement social qui doit se produire dans la communauté bahá’íe en faisant une analyse détaillée des cinq thèmes identifiés par Michael Karlberg, soit la dénaturalisation des anciennes pratiques culturelles, la transformation des structures psycho-spirituelles, des dimensions socio-structurelles, des constructions discursives et des formations discursives complètes. Autrement dit, les façons de penser, de s’exprimer et de se comporter doivent changer dans le sens d’une nouvelle définition de la communauté bahá’íe et d’un nouveau dessein, un processus dont on peut trouver un aperçu dans le onzième chapitre de l’ouvrage Le siècle de lumière.
Le discours de Mme Boyles a été suivi par une table ronde de jeunes chercheurs, incluant Anisa Khadem Nwakuchu, Maame Nketsiah, et Adam Ludwin. Leur familiarité avec les théories actuelles était remarquable. Mme Khadem a parlé du fait que dans le domaine de la théorie du développement, la religion est prise au sérieux. Mme Nketsiah a parlé de l’écart qui existe entre la théorie et la pratique et M. Ludwin a abordé la question du chevauchement et de la synergie potentiels entre les enseignements bahá’ís, les études à la faculté de commerce de l’Université Harvard et le processus d’innovation.
La musique était très présente pendant toute la conférence. En soirée la créativité et l’imagination de divers jeunes musiciens ont su émouvoir l’auditoire. Plusieurs des numéros de musiques ont exploré le thème de la conférence, les environnements. « Pour moi, un point saillant de la conférence, expliquait Alicia Cundall, une des musiciennes, « a été le programme musical en soirée. C’était très stimulant de pouvoir collaborer avec des artistes renommés venus de tous les coins de l’Amérique du Nord. Nous avons répété pendant des heures et des heures, nous avons chanté ensemble la parole de Dieu, priant pour que nos morceaux puissent toucher et inspirer notre auditoire. »
Après la conférence, MJ Cyr, un autre musicien et artiste disait « La ‘‘ collective ’’ a été formée au cours des quatre jours de la conférence. L’esprit d’unité que nous avons ressenti en si peu de temps était électrisant! »
Les trois jours de conférence ont favorisé un bel esprit de camaraderie. Les amis de longue date ont pu se revoir, de nouvelles amitiés se sont formées, et un sentiment de spiritualité a infusé une énergie nouvelle dans les aspects sociaux et intellectuels de la conférence. « C’était encourageant d’observer l’humilité et l’amour qui caractérisaient le discours de bien des jeunes qui ont participé attentivement aux divers ateliers », a expliqué Ilya Shodjaee-Zrudlo, un jeune bahá’í de Montréal. « Je crois que cet esprit de maturité vient du grand dévouement de cette armée de jeunes à la Maison universelle de justice. » Jessica Adam-Smith, sa jeune femme, également de la communauté de Montréal, expliquait que « le processus d’institut et le cadre d’action du plan de cinq ans ont transformé notre compréhension de l’apprentissage lui-même et il était intéressant de voir comment des personnes œuvrant dans différents domaines appliquent ce qu’elles ont appris à leurs études universitaires. » La conférence a ouvert de nouvelles possibilités et permis d’établir de nouvelles relations, elle a montré le potentiel de la durabilité environnementale et nous a permis de mieux comprendre notre place dans un vaste milieu social et spirituel.
(notes contribuées par Kim Naqvi, Donna Hakimian et Sandra Blaine)