Deux femmes baha’ies de Saguenay, originaires d’Iran, ont vécu d’émouvantes retrouvailles avec d’anciens amis qu’elles n’avaient pas vus depuis plus d’une trentaine d’années, grâce à l’émission de télévision « Deuxième chance » de Radio-Canada, qui relate les histoires incroyables d’immigration, de sauvetage ou d’entraide de gens ordinaires à travers des témoignages et des rencontres.
Mahboubeh Talaï et sa fille Khatéré racontent dans cet épisode du samedi 24 mars comment elles souhaitaient retrouver une famille de coopérants français leur ayant apporté une aide inestimable au Maroc, alors qu’elles venaient de quitter l’Iran dans les années 1970. Elles voulaient pouvoir leur exprimer toute leur gratitude et leur dire un grand merci pour leur soutien précieux à une époque troublée de leur vie.
Vers la fin des années 1970, la famille Talaï sentait venir une période de grande agitation en Iran. La minorité religieuse baha’ie, dont elle fait partie, avait toujours été persécutée depuis les débuts de la foi dans ce pays au milieu du 19e siècle et l’instabilité politique grandissante laissait présager des jours encore plus difficiles pour les baha’is. Les Talaï ont donc décidé de partir pour le Maroc, dans le but d’offrir du soutien à la communauté bahai’e de ce pays, avant que n’éclate la révolution islamique de 1979.
Mahboubeh est déménagée à Marrakech avec ses deux filles, Khatéré et Dorsay. Son mari, Borhan, est venu pour les aider à s’installer, puis il est retourné en Iran pour régler quelques affaires. Il devait revenir auprès de sa famille peu de temps après, mais cela a été impossible puisque les autorités iraniennes ont confisqué son passeport parce qu’il était baha’i. La situation étant devenue périlleuse pour les baha’is lors de la révolution, il a dû attendre trois ans avant de pouvoir quitter l’Iran.
Pendant toutes ces années, Mahboubeh et ses deux filles étaient donc seules au Maroc. Elles ont pu compter sur l’aide précieuse de la famille François, des coopérants français qui habitaient le même immeuble qu’elles et avec qui elles se sont liées d’amitié. Khatéré se rappelle comment les François faisaient preuve de bienveillance à leur égard et comment ils les ont aidées à s’intégrer au Maroc. Ils ont offert leur soutien entre autres avec les inscriptions à l’école, les papiers administratifs et en leur apprenant des notions de français, une langue qu’elles ne connaissaient pas.
Borhan Talaï venait à peine de réussir à rejoindre sa famille à Marrakech que le sort des baha’is est aussi devenu instable au Maroc. Au début des années 1980, plusieurs baha’is de Casablanca ont été emprisonnés dans la foulée de troubles sociaux et politiques. Le père de la famille Talaï a alors commencé à faire des aller retours constants entre Marrakech et Casablanca pour offrir son aide aux familles des baha’is emprisonnés. Le niveau de stress élevé de cette période lui a finalement coûté la vie et il est décédé d’une crise cardiaque à Casablanca. C’est à ce moment que Mahboubeh a décidé de quitter le Maroc pour immigrer au Canada. Elle a élu domicile à Chicoutimi, où il existait une petite communauté baha’ie.
Alors que Mahboubeh et ses filles quittaient le Maroc, les François ont fait preuve d’un dernier geste de solidarité qui a grandement marqué la famille Talaï. Ils ont accepté de transporter hors du Maroc plusieurs livres baha’is très anciens, qui leur appartenaient depuis des générations, et de les livrer à la mère de Mahboubeh qui se trouvait en Angleterre. Mahboubeh avait crainte que ces livres ne lui soient confisqués à sa sortie du Maroc puisqu’elle savait que de nombreux livres avaient été saisis chez des baha’is lors du tumulte qui avait mené à l’arrestation de plusieurs d’entre eux. Elle était toutefois confiante qu’une famille de coopérants français pourrait sortir ces livres du pays en toute sécurité. C’est donc ainsi que les Talaï et les François se sont quittés avant d’ensuite perdre la trace les uns des autres.
Depuis leur arrivée à Chicoutimi en 1984, les Talaï ont souvent raconté leur histoire, dans laquelle la famille François occupe une place très importante. L’équipe de l’émission « Deuxième chance » a permis à Mahboubeh et Khatéré de retracer les François qui habitent maintenant à Angers, en France. Les deux femmes ont fait le voyage pour aller leur rendre visite et leurs touchantes retrouvailles, ainsi que tous les détails du périple ayant mené cette courageuse mère et ses deux filles de l’Iran au Canada, en passant par le Maroc, sont relatés dans cette émission de télévision qu’il est maintenant possible de visionner en ligne.