Bien que certains considèrent le commérage et la médisance comme faisant partie intégrante de la vie de tous les jours, deux sœurs ont décidé de s’investir pour les éliminer de la communauté, en particulier là où ils font le plus de mal, dans les écoles.
Pendant toute leur enfance, Anisa et Saba Hajizadeh, d’Ajax, Ontario, ont participé à des programmes visant à débarrasser les écoles de la médisance, du harcèlement, de la discrimination et de la marginalisation de certains étudiants.
Les deux sœurs et leurs camarades ont malheureusement constaté que ces programmes avaient peu d’effet. Ils ont continué à entendre des rumeurs malsaines parmi leurs camarades et ont été témoins de harcèlement et d’intimidation, malgré les efforts des professeurs pour les faire cesser.
Parallèlement aux efforts des éducateurs pour dénoncer ce comportement néfaste — l’humiliation d’autrui par la médisance et l’intimidation — les messages des médias populaires semblent souvent légitimer l’usage d’un langage blessant qui rabaisse les autres dans le but de divertir. Non seulement ces messages visent-ils les jeunes, mais ils leur apprennent à considérer comme normal un tel comportement.
“Il y a malheureusement chez les adolescents une forte tendance à médire et à répandre des rumeurs et, par conséquent, ce sont eux les plus touchés,” dit Saba. “C’est une force destructrice dans la vie des jeunes.”
Au lieu de se décourager, Anisa et Saba ont pensé qu’on pouvait changer les choses en agissant à la base et que pour un changement durable, le mouvement devait venir des adolescents eux-mêmes. Tout ce dont elles avaient besoin, c’étaient les moyens de lancer leur action.
L’occasion se présenta en juin 2011. Une annonce parue dans le journal local invitait ceux qui le désiraient à prendre part à un concours de projets capables d’apporter des changements positifs dans la collectivité. Parrainés par la coalition Take the Lead d’Ajax, les gagnants recevraient des fonds pour du matériel de promotion et pour organiser des rencontres dans le but de faire connaître leur projet; ils auraient aussi le soutien de deux conseillers pour assurer le succès du programme. Les filles ont proposé leur projet Gossip Free Zone, et les responsables de la coalition Take the Lead l’ont beaucoup aimé. Depuis, les deux sœurs ont été très occupées avec des rencontres à l’école, des présentations à la commission scolaire, le matériel de promotion et des interviews dans les médias.
Étant donné que le projet est un rêve devenu réalité, les filles ne se plaignent pas de ce surcroît de travail.
« Nous sommes constamment sollicitées par divers médias, des écoles, des professeurs, des parents et des étudiants qui désirent vivement commencer le programme. Nous essayons aussi de promouvoir l’expansion du programme en le présentant à des organismes communautaires comme la Ville d’Ajax et la Commission scolaire du District de Durham, » dit Saba.
Au lieu de l’approche autoritaire du genre « ne fais pas ça », utilisée par le passé dans les programmes visant à éliminer le harcèlement, la démarche de Gossip Free Zone cherche plutôt à encourager et à informer les jeunes afin qu’ils adoptent un langage positif. Dans une école, des personnes ressources — un étudiant ou des membres d’un club – organisent des ateliers en utilisant les documents de lancement de projets, mis au point par les filles. Des affiches incluses dans les documents sont placardées partout dans l’école, la proclamant Gossip Free Zone (zone exempte de médisance), rappelant ainsi à chacun ce que les jeunes de l’école essaient d’accomplir ensemble.
Malgré l’accueil positif reçu par leur idée au départ, Anisa et Saba ont dû faire face par la suite à quelques critiques.
« Le projet a été bien reçu par nos amis, nos professeurs et la collectivité, mais quelques personnes ont mis en doute son efficacité, » dit Anisa. « Par exemple, un professeur a déclaré que l’idée était très mauvaise et qu’il serait impossible d’arrêter le médisance. »
Anisa et Saba ont bien conscience que l’habitude de commérer est profondément ancrée dans notre société. « Depuis le début, nous avons été très claires en ce qui concerne notre objectif qui n’a jamais été d’éliminer complètement la médisance; nous savons à quel point chacun de nous est engagé dans ce comportement. »
« Gossip Free Zone est une campagne de prise de conscience, un programme d’action sociale. Notre intention a été de faire comprendre le pouvoir des mots, pour que chacun réalise qu’ils doivent être utilisés avec prudence et compassion; nous avons voulu aussi attirer l’attention sur la force destructrice des mots blessants et le rôle qu’ils jouent dans nos vies, surtout chez les adolescents. Dans l’ensemble, nous avons été agréablement surprises par la réaction positive de tous. »
Quand on leur a demandé comment elles envisageaient le futur du projet après leur départ de l’école secondaire, les deux sœurs ont déclaré qu’elles espéraient que la Commission scolaire du District de Durham maintiendrait le programme et continuerait à y intéresser les étudiants. Quant à Anisa et Saba, elles continueront à promouvoir l’idée que les relations humaines peuvent être exemptes de médisance.
« Nous avons l’intention de l’intégrer à notre vie d’étudiantes postsecondaire puis à notre vie professionnelle. Cette initiative n’en est qu’à ses débuts et nous souhaitons qu’elle devienne plus complète et élaborée dans les années à venir. »