Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Jaffer, attirant l’attention du Sénat sur la situation des droits de la personne qui se dégrade pour les baha’is en Iran.
L’honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui parler de l’interpellation inscrite au Feuilleton par l’honorable sénateur Jaffer, qui souhaite parler du sort des citoyens baha’is qui vivent en République islamique d’Iran.
Les leçons de l’histoire ne sont pas des prisons qui contraignent nos choix. Cependant, quand nous n’en tenons pas compte, nous donnons aux pires excès de l’histoire, à ses crimes les plus épouvantables, les meilleures chances possibles de se reproduire aux dépens de l’humanité dans son ensemble. C’est dans ce contexte précis, et d’un œil honnête et objectif, que nous devons envisager le traitement, par la République islamique d’Iran, de ses citoyens baha’is. Ce faisant, cependant, tâchons de tenir l’histoire, la civilisation et la culture de l’Iran en très haute estime et de porter le plus grand respect à ses habitants, qui ont le même droit que nous à la liberté, aux possibilités économiques et au bonheur. Tâchons également de nous pencher soigneusement et objectivement sur les événements qui se déroulent en Iran, sur les agissements du gouvernement, ses projets concernant les vrais démocrates et son oppression explicite des minorités à l’intérieur de ses frontières.
Je ne m’attarderai pas sur son opinion et ses intentions révisionnistes et essentiellement génocidaires à l’égard de la République d’Israël, non pas parce que sa position est porteuse de la moindre valeur, mais bien parce que fomenter une haine et une hystérie anti-israélienne est la marque de commerce de la plupart des despotes, des extrémistes, des charlatans religieux, des dictateurs et des antisémites depuis le début de l’histoire — et pas seulement dans la partie du monde que l’Iran cherche à dominer, mais ailleurs aussi. Récemment, les forces du mal se sont mis à jouer à ce jeu aussi séculaire que lassant dans des endroits aussi différents que le Venezuela et la Malaisie. C’est faire preuve d’un manque répréhensible de colonne vertébrale que de se laisser emporter par de tels courants, mais de façon générale, dans de nombreuses histoires politiques, lorsqu’il est question de haine envers les juifs et Israël, les courants fascistes, communistes et extrémistes marginaux comptent sur une telle absence de résistance à ces idéologies. Peu de pays ont su entièrement résister à de tels courants, autant en Orient qu’en Occident, dans le monde chrétien, islamique ou non confessionnel. Les excès des dirigeants suprêmes religieux, politiques ou de la garde révolutionnaire de la république islamiste depuis la fin du règne du Shah en 1979 n’ont rien de nouveau, ce qui n’empêche pas qu’ils soient détestables et honteux.
Ce qui est nouveau et horrifiant, ce sont les mesures prises pour emprisonner, opprimer et intimider les adeptes de la foi baha’ie en Iran. N’importe quel gouvernement qui demande à sa garde révolutionnaire de faucher ses propres citoyens, lesquels réclamaient simplement un dépouillement honnête des votes aux dernières élections générales, est capable de tout. Ce qu’ils ont fait aux Iraniens de la foi baha’ie témoigne de l’inhumanité la plus fondamentale et de l’intolérance enracinée, typiques de la vision déformée de l’islam qu’entretient le présent gouvernement irakien et de la manipulation qu’il fait des interprétations les plus extrémistes du Coran aux fins de sa politique oppressive et bornée.L’histoire nous a appris une chose que le président Ahmadinejad et la brigade al-Qods de la Garde révolutionnaire ne peuvent conjurer. Si vous êtes capable d’opprimer et de tuer vos propres citoyens en grand nombre en raison de leurs conceptions politiques et religieuses, lorsque l’occasion se présente de faire la même chose dans les pays voisins ou dans une région où des gens qui ont des conceptions politiques ou religieuses différentes s’opposent à votre domination, il vous est encore plus facile de les opprimer et de les tuer puisque ce sont des étrangers. C’est la leçon que nous ont apprise MM. Staline et Hitler il y a plusieurs décennies.
Il serait temps que nous abandonnions la vision optimiste voulant que le présent gouvernement de la République islamique d’Iran ne soit qu’une brève anomalie dans ce qui devrait être une force pacifique et constructive sur l’échiquier mondial et dans sa propre région. Il n’y a pas l’ombre du début d’une preuve que des élections vraiment démocratiques dont les résultats seraient véritablement obtenus par voie démocratique pourront être tenues. M. Hitler a été élu en bonne et due forme en 1933 en vertu de ce qui constituait alors les nouvelles règles de la République de Weimar. Ce fut la fin des élections libres jusqu’à l’avènement de la République fédérale d’Allemagne, créée après une guerre mondiale qui a détruit une grande partie de l’Europe et tué plus de 50 millions d’êtres humains.
Suis-je en train d’insinuer que l’oppression des Iraniens de la foi baha’ie par le présent gouvernement, combinée à la répression des forces démocratiques et aux activités iraniennes subversives et bien financées visant à déstabiliser le Liban, la Palestine, la Syrie et l’Irak, constitue une menace à la vie de grands pans de la population mondiale? Oui, honorables sénateurs, c’est précisément ce que j’insinue.
Notre devoir, comme alliés de divers partenaires dans la région, dont les États arabes sunnites ou nos alliés turcs au sein de l’OTAN, et y compris les peuples du Liban, de la Palestine et d’Israël, qui veulent acquérir la liberté de prendre leurs propres décisions sur leurs pays et pour leur avenir, est de dénoncer clairement et sans ménagement les intentions méchantes et malveillantes qui animent les actuels dirigeants de la République islamique d’Iran. Pour œuvrer en ce sens de toutes les façons et à tous les niveaux, avec nos alliés et en tenant compte de nos intérêts géopolitiques, nous nous préparons et nous planifions tout ce qui peut être nécessaire pour contenir cette administration odieuse et sadique. Si elle n’est pas tenue en échec et reste impunie malgré tous ses excès et sa barbarie, cette administration agressive et inhumaine provoquera une troisième guerre mondiale, aussi sûrement que nous sommes tous là à siéger cet après-midi à la Chambre haute.
Ce qui s’impose ici ne se résume pas aux efforts que continue de déployer le groupe de contact réactif pour obtenir une certaine modération en matière nucléaire et des inspections internationales. Le nouveau Bureau de la liberté de religion devrait joindre ses efforts à ceux d’autres entités semblables dans le monde pour promouvoir une action commune dans l’intérêt de la communauté baha’ie en Iran et susciter au sein de divers organismes dans le monde une série de contestations sérieuses que le gouvernement iranien devra affronter. Cela devrait porter le nom de sanctions pour les baha’is pour que les Iraniens comprennent exactement notre intention collective humanitaire et inspirée par des principes. L’oppression religieuse est toujours le premier moyen, le plus conséquent, du tyran; négliger de la combattre ne fait qu’encourager le monstre.
Il va sans dire que les réseaux du Canada, militaires, de renseignement, diplomatiques et autres, tant chez nous qu’à l’étranger, devraient s’intéresser aux amorces de menaces que constituent diverses forces iraniennes dans le monde. Il y a notamment des endroits comme l’Afghanistan, l’Irak, le Liban et la Palestine. Nous devons travailler avec les forces amies, militaires, diplomatiques et du renseignement, au Moyen-Orient, en Europe et en Asie, qui ont des relations diverses avec les Iraniens, afin de déployer un effort cohérent et concerté pour faire échouer la domination des dirigeants de la République iranienne dans la région et dans un monde qui dépend de cette région. Je laisse le soin de définir les mesures précises, la dynamique et les divers aspects de cette initiative commune et de préparer la défense et l’engagement aux experts en uniforme et aux divers services militaires, diplomatiques et clandestins dans le monde entier. Je dis simplement qu’il faut nous préparer dès maintenant, et que nous devons tous faire notre part.
Le Canada, avec d’autres pays, a quitté et boycotté les assemblées où le président Ahmadinejad a déversé son discours vil et haineux, le discours d’un être qui profane les Nations Unies par sa présence et saccage l’histoire merveilleuse, héroïque et riche du peuple perse, qui m’inspire un respect et une affection qui ne sont en rien diminués par l’avertissement que je lance aujourd’hui.
Ce serait une bonne chose si notre ministre des Affaires étrangères exhortait ses homologues du monde civilisé à faire comme lui et à convoquer leurs ambassadeurs d’Iran respectifs pour leur livrer le même message sévère au sujet du traitement réservé aux baha’is.
Nous devrions préconiser l’imposition, par tous les pays de bonne volonté qui partagent les mêmes convictions humanitaires, d’une série de « sanctions pour les baha’is », des sanctions nouvelles, précises et efficaces. Cela ne s’est pas fait dans le cas de l’Allemagne des années 1930. Un monde alors en butte à l’incertitude économique et aux graves conséquences d’une terrible crise a préféré feindre de ne pas voir qu’on opprimait, emprisonnait et exterminait des minorités, d’abord en Allemagne, puis dans les pays voisins et ensuite dans toute l’Europe de l’Ouest et de l’Est. Quand l’engagement a enfin débuté, grâce au Royaume-Uni et à ses alliés du Commonwealth, dont le Canada, qui se sont dressés seuls contre les Allemands entre 1939 et 1941, et ensuite grâce aux Américains et aux Russes qui sont entrés dans le conflit après avoir été eux-mêmes attaqués, des millions de personnes avaient déjà perdu la vie et les machines de guerre et d’extermination étaient bien en marche, au plus grand dam et à la plus profonde horreur de l’humanité pour des générations et des décennies à venir. Voilà ce qu’il faut prévenir par une action immédiate.
Nos amis baha’is, qui pratiquent une foi pacifique qui respecte le caractère sacré de toutes les religions, ne sont pas victimes d’actes de violence isolés ou accessoires. Il s’agit d’actes systématiques et brutaux. Ce n’est plus un simple cri d’alarme que les baha’is lancent pour dénoncer l’oppression officielle dont ils sont victimes en Iran, mais un véritable cri du cœur à l’humanité entière, aux gens libres et aux démocraties partout dans le monde pour leur demander de regarder la réalité en face et de ne pas détourner le regard avant d’avoir pris le taureau par les cornes.