Quand il s’agit de recherche de fine pointe ou de recherche tout court, on omet souvent de penser aux provinces canadiennes de l’Atlantique, mais ce n’est pas le cas du Pre Deborah van den Hoonaard. Cette gérontologue de l’Université St. Thomas a récemment publié un livre sur un sujet « exotique », les veufs. « Ils sont invisibles », affirme-t-elle, « et personne n’avait fait une telle recherche auparavant. »
C’est après avoir reçu le journal intime d’une auteure, qui décrit la première année de son veuvage, que la Pre van den Hoonaard s’est intéressée à ce sujet. Elle raconte qu’elle a été très touchée par cette lecture et s’est rendue compte qu’il n’existait pratiquement pas de recherche sur les veuves et encore moins de recherches sur les aspects qualitatifs plutôt que statistiques de la question. Sa recherche l’a menée à écrire un livre, publié en 2001 par la Wilfrid Laurier University Press sous le titre The Widowed Self: The Older Woman’s Journey through Widowhood. En avril, la University of Toronto Press a publié By Himself: the Older Man’s Experience of Widowhood.
Le Pre van den Hoonaard, une adepte de la foi bahá’íe, dit que les enseignements de sa Foi sur l’égalité de la femme et de l’homme et sur l’élimination des préjugés, l’ont inspirée à travailler pour faire éclater les stéréotypes sur le veuvage. Elle pense que les difficultés auxquelles les veufs, les veuves et les gens âgés font face correspondent aux problèmes que la foi bahá’íe cherche à solutionner. Étant donné que le veuvage est étroitement lié aux questions de l’inégalité et de la problématique homme-femme, l’application du principe de l’égalité des sexes pourra contribuer à l’élimination de ces obstacles. De plus, dit la Pre van den Hoonaard, « Je crois que la communauté bahá’íe offre aux gens une occasion d’établir des rapports qui transcendent les questions d’âge et d’état matrimonial, une situation très prometteuse. » Elle poursuit en disant qu’on peut espérer que la croyance bahá’íe dans la continuation de la vie de l’âme après la mort devrait rendre les aspects émotionnels du veuvage plus faciles à vivre.
Les résultats de la recherche de la Pre van den Hoonaard comportent d’intéressants contrastes. Elle dit que les femmes étaient souvent mieux préparées que les hommes à perdre leur mari, parce qu’elles ont de plus grandes chances de vivre cette expérience – en effet, en 2001, parmi les gens âgés, il y avait quatre fois plus de veuves que de veufs. Les femmes sont « très inventives dans leur manière de naviguer dans leurs relations » et elles arrivent à former de nouvelles amitiés. Elle fait aussi remarquer que les femmes ont un vif sentiment d’accomplissement quand elles poursuivent une activité habituellement réservée aux hommes, puisque la société leur accorde une grande valeur.
Les 26 veufs avec lesquels la Pre van den Hoonaard a eu un entretien, certains dans les provinces atlantiques du Canada et certains en Floride, et tous ayant 60 ans ou plus, ont montré un vif désir de projeter une certaine masculinité. Elle a dit qu’ils apprenaient, par exemple, à faire la cuisine et à nettoyer la maison mais, étant donné que notre société n’accorde pas une grande valeur aux activités de femmes, ils craignaient faire un trop grand nombre de choses qui sont perçues comme féminines. Selon la Pre van den Hoonaard, les préjugés entourant le vieillissement accentuent chez les hommes plus âgés le besoin de projeter leur masculinité, alors que ses indicateurs habituels, comme la force physique, la jeunesse, l’emploi et le mariage sont sujets à disparaître.
Selon les résultats de sa recherche, après êtres devenus veufs, les hommes ont tendance à se remarier plus rapidement que les femmes qui se trouvent dans la même situation. Mais, dit-elle, ce n’est pas parce qu’ils oublient leur femme, mais plutôt parce que leur façon naturelle d’avoir une relation personnelle est au sein d’une relation de couple avec une femme. Ce n’est pas qu’ils sont démunis sans leur femme, mais, encore une fois, ils n’ont pas le même plaisir à apprendre à faire de nouvelles tâches que les femmes récemment devenues veuves.
Certains des veufs ont dit mieux comprendre la quantité de travail que leur femme accomplissait à la maison et ont admis ne pas les avoir suffisamment aidées. Selon la Pre van den Hoonaard, « Parler de questions d’égalité ne va souvent pas plus loin que parler des questions de travaux domestiques. C’est donc pour eux une importante admission. »
Étant donné qu’ils connaissent mieux leur propre vie que quiconque, la Pre van den Hoonaard s’est servie d’une méthode qui encourage les personnes interviewées à parler de ce qui est important à leurs yeux. Elle pense que cette approche qualitative est une mesure importante pour l’élimination des préjugés envers le vieillissement, puisqu’elle est respectueuse de la personne et humanisante. Elle ajoute que, en tant que professeure en gérontologie, elle a aussi l’occasion de combattre ce préjugé chez ses étudiants, qui ne se rendent souvent pas compte de son existence. « La recherche montre que la ségrégation fondée sur l’âge donne lieu à la discrimination fondée sur l’âge », explique-t-elle. « Les communautés bahá’íes ont tendance à intégrer les groupes d’âge et elles ont donc beaucoup à contribuer dans ce domaine », malgré qu’il reste beaucoup à faire pour sensibiliser les gens à cette question.
La Pre van den Hoonaard donne l’exemple de ‘Abdu’l-Bahá, fils de Bahá’u’lláh et personnification de ses enseignements, comme un modèle pour la vieillesse et la retraite. Il a été injustement emprisonné jusqu’à l’âge de 65 ans, et sa retraite a été d’être libéré de prison alors qu’il était en mauvais état de santé. Malgré cela, il a décidé d’entreprendre des voyages en Europe et en Amérique du Nord pour présenter les enseignements de Bahá’u’lláh dans des discours publics donnés presque quotidiennement, une toute nouvelle entreprise pour lui. « Voilà ce que la vieillesse devrait être », dit-elle, en faisant référence à une vie consacrée avec désintéressement au service des autres, dans la mesure de ses propres capacités et possibilités et sans égard pour son âge.
Depuis 2006, la Pre van den Hoonaard est titulaire d’une chaire de recherche du Canada en analyse quantitative et elle espère que cette chaire sera renouvelée en 2011, ce qui lui permettrait de continuer sa recherche et permettrait au Atlantic Centre for Qualitative Research and Analysis, dont, à ce titre, elle est fondatrice, de poursuivre ses activités. Elle a écrit plusieurs articles dans des revues spécialisées au sujet de sa recherche sur les difficultés rencontrés dans leur vie quotidienne par les femmes âgées, sur les stratégies qu’elles adoptent et sur l’ethnographie d’une collectivité de retraités. En 2006, en collaboration avec son mari Will van den Hoonaard, elle a écrit un livre intitulé The Equality of Women and Men : The Experiences of the Bahá’í Community of Canada. Elle écrit présentement un autre livre dont le titre provisoire est The Changing Face of Aging [changements dans le domaine du vieillissement], dans lequel elle explore les changements sociaux qui ont un impact sur les personnes âgées.