Selon bien des experts, l’impact le plus considérable du réchauffement planétaire se fera sentir dans les régions arctiques. À titre d’exemple, l’été dernier, des scientifiques ont annoncé que la superficie de la banquise arctique avait plus diminué au cours de la dernière année qu’au cours de toute autre année depuis qu’elle est surveillée au moyen de satellites.
Il était donc très à propos que le Forum international de l’environnement (FIE) se réunisse à la mi-octobre pour discuter les implications morales du changement climatique pour l’Arctique et ses habitants.
« Cela se produit dans un région du monde qui contribue relativement peu au problème du changement climatique mondial », expliquait M. John Stone, de l’Université Carleton. M. Stone est également membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et il a appris durant la conférence que ses collègues du GIEC et lui s’étaient mérité le prix Nobel de la paix de cette année.
Cependant, a-t-il ajouté, ceux qui vivent dans l’Arctique « ont des liens très étroits avec la terre […], et leur capacité de s’adapter est mise à dure épreuve, en même temps que la structure de leur collectivité est devenue plus vulnérable. »
La onzième conférence du Forum, qui était parrainée conjointement, au nom de la Communauté bahá’íe du Canada, par l’Agence bahá’íe canadienne de développement international et le Bureau des relations gouvernementales, a exploré sous divers rapports les aspects éthiques du changement climatique. Les participants ont, par exemple, été invités à examiner le besoin qui existe pour une forme de gouvernance mondiale ainsi que diverses façons innovatrices par lesquelles il est possible de contribuer individuellement à l’éradication du problème.
Mais, les participants se sont tout d’abord penchés sur les conséquences du changement climatique dans l’Arctique.
John Crump, coordinateur des questions polaires pour UNEP/GRID-Arendal a dit que les Inuits ont, sur une longue période, fait preuve d’une capacité d’endurance et d’adaptation considérable, mais qu’il convient de se demander : « jusqu’à quel point peuvent ils s’adapter et jusqu’à quel point pouvons nous nous attendre qu’ils continueront à s’adapter? »
Selon M. Crump, le problème ne pourra pas être résolu simplement en réinstallant ailleurs ces communautés à risque.
Pour satisfaire les exigences du Protocole de Kyoto, affirmait M. Crump, « il faudra des actions collectives concertées et coordonnées, sur le plan international » et « pour nous sortir de la situation du changement climatique », il faudra bien plus.
« Le coût de notre inaction est encore plus élevé, et ce sont les régions les plus vulnérables qui souffriront les premières. Mais en fin de compte, nous y passeront tous », a-t-il ajouté, en suggérant que, quand il est question de déplacer un peuple entier, les conséquences morales et culturelles sont très graves.
« L’ensemble des droits civils d’un peuple sont fonction du pays où il habite et nous devons nous demander ce qu’il advient de ces droits quand un peuple est forcé de s’installer ailleurs », soulignait M. Crump.
M. Robin Anawak, chercheur du domaine de l’environnement à l’emploi d’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), l’organisation nationale canadienne des Inuits, avait préparé une présentation sur l’impact du changement climatique sur les Inuits. Mais une maladie contractée à la dernière minute l’a empêché de se rendre à la conférence et son texte a été lu par l’animateur de la séance.
Sa présentation visuelle a montré la diversité des questions qui sont affectées par le réchauffement planétaire, dont notamment la difficulté de s’approvisionner en nourriture, de se loger adéquatement, l’apparition croissante d’espèces envahissantes, l’érosion côtière et la montée du niveau de la mer. Il a aussi soulevé la question de la faune et de la flore, de l’alimentation, de la culture, de la langue, des connaissances traditionnelles, de l’infrastructure communautaire, de la sécurité des chasseurs, des nouvelles maladies et de la sécurité du passage du Nord-Ouest.
Pour sa part, Heather Eaton, de l’Université Saint-Paul, à Ottawa, a examiné les dimensions éthiques soulevées par le changement climatique, mais d’un point de vue théologique et socioculturel.
« Nous sommes immergés dans un océan d’idéologies culturelles », a-t-elle fait ressortir, « et elles entretiennent des notions de bien-être qui sont définies en termes de progrès, de croissance économique, de matérialisme sans limites, d’industrialisation et de technologie – toutes choses qui perturbent le climat. »
Mme Eaton a montré que les religions ont beaucoup à offrir pour établir un cadre de référence nous permettant d’aborder la question du changement climatique.
« Les enseignements religieux s’intéressent à la dynamique humaine interne, a-t-elle fait observer. Ils nous apprennent « à éduquer nos désirs. »
Elle a ajouté que « la religion nous enseigne certaines choses au sujet de nos pensées et de notre volonté. Elle nous enseigne la solidarité, et, à ce sujet, la foi bahá’íe possède une grande sagesse. »
« Il est urgent que les religions réaffirment que l’élégance du monde naturel a depuis l’aube des temps été une source d’inspiration et a agit comme une réflexion du divin », a affirmé Mme Eaton, ajoutant que « les êtres humains ne détruisent jamais ce qu’ils considèrent comme sacré. »
M. Arthur Dahl, président du FIE, a dit que la relation intime des Inuits avec la terre pourrait fournir des informations importantes qui nous permettraient de résoudre les problèmes du réchauffement planétaire.
En se servant d’un énoncé des enseignements bahá’ís selon lequel « la campagne est le monde de l’âme et la ville celui du corps », M. Dahl a fait remarquer que les cultures qui sont le plus près de cette réalité sont celles qui auront d’importantes observations spirituelles à offrir.
Dans les pays occidentaux industrialisés, a-t-il expliqué, « nous avons érigé des civilisations qui sont loin de la nature. Nous nous sommes enfermés dans un système qui va contre nature. » Le problème qui existe avec ce système, a-t-il dit, est qu’il repose sur les combustibles fossiles – la cause du réchauffement planétaire.
« L’inertie nous garde sur cette trajectoire et notre élan nous pousse encore plus loin » a fait observer M. Dahl. « Voyez à quel point notre civilisation est devenue vulnérable aux changements qui se produiront dans une décennie ou deux. »
Au total, 125 personnes, habitant dans treize pays, d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Afrique, ont participé à la conférence. De ce nombre, 25 participants, de neuf pays, ont choisi de réduire leur empreinte écologique en prenant part à la conférence au moyen d’un flux vidéo et textuel en simultané sur Internet. De plus, pour atteindre un public encore plus large l’enregistrement de toutes les séances a été rendu disponible sur le site Web de la conférence à l’adresse http://www.tyne.ca/ief2007/node/9.
Duncan Hanks, directeur de l’Agence bahá’íe canadienne de développement international et un des responsables de la conférence, a dit qu’il avait étonné de voir à quel point les participants étaient captivés par les débats. « Nous avons assisté à un échange d’idées authentique et ouvert, entre personnes de différentes religions, entre scientifiques et personnes religieuses (ou sans affiliation confessionnelle) », a-t-il fait remarquer.
« La conférence a réuni des décideurs, des personnes qui mettent les politiques en œuvre, des citoyens ordinaires, des représentants d’organismes gouvernementaux, de groupes confessionnels ou environnementaux et d’autres ONG. Chacun a trouvé à la conférence un lieu où il pouvait exprimer son point de vue et contribuer au dialogue, sans que personne ne cherche à imposer ses idées ou ne s’attache rigidement à une position », a expliqué M. Hanks.
« L’atmosphère qui régnait à la conférence était très productive », a-t-il fait remarquer. « Nous pouvions sentir le grand désir des participants d’apprendre et de participer et il était clair qu’ils ont été très encouragés par les discussions. »