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Une conversation canadienne au sujet de la pauvreté

Une conversation canadienne au sujet de la pauvreté

CHRONIQUE SUR UN IMPORTANT DISCOURS SOCIAL

Les 7 et 8 mars derniers, des représentants de la Communauté bahá’íe du Canada se sont joints aux représentants de d’autres collectivités confessionnelles du Canada et d’organisations nationales luttant contre la pauvreté, lors de discussions tenues à Ottawa avec des députés fédéraux de divers partis. Ces discussions cherchaient à favoriser une meilleure discussion de la question de la pauvreté à l’échelle nationale.

Les discussions ont été sérieuses et les participants étaient bien informés. Malgré les approches bien distinctes des quatre partis représentés, l’atmosphère était non-partisane, franche, courtoise et amicale entre les représentants qui avaient travaillé ensemble au rapport intitulé « Plan fédéral de réduction de la pauvreté » du Comité permanent des ressources humaines, publié en novembre 2010 (cliquez ici).

Le premier jour de la réunion, les députés de chacun des partis ainsi que la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, Diane Finley, ont rencontré les délégués des diverses collectivités confessionnelles. En soirée lors d’une réunion publique, les députés Tony Martin de Sault Ste. Marie et Mike Savage de Dartmouth-Cole Harbour ainsi que le sénateur Art Eggleton de Toronto ont pris la parole. Le sénateur avait présidé au travail du Sénat pour produire l’excellent rapport intitulé « Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l’exclusion » publié en 2009 sur la situation de la pauvreté.

Le deuxième jour, les discussions des dirigeants de groupes confessionnels et des représentants d’organisations nationales luttant contre la pauvreté se sont poursuivies en présence des députés Tony Martin du NPD, Mike Savage du parti libéral ainsi que des députés Yves Lessard du Bloc québécois, de la circonscription Chambly-Borduas au Québec et Ed Komarnicki, du parti conservateur de la circonscription Souris-Moose Mountain en Saskatchewan. Les discussions ont entre autres porté sur les rapports « Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l’exclusion » et « Plan fédéral de réduction de la pauvreté » et les participants ont pris note du fait que ces dernières années plusieurs pays ont adopté des programmes d’action pour réduire la pauvreté et ont obtenus des résultats encourageants. Au Canada, six provinces ont adopté de tels programmes, et encore une fois, les résultats sont positifs. Les deux rapports contiennent plus que 130 recommandations et si le gouvernement souscrivait à certaines d’entre elles, il pourrait beaucoup accomplir pour réduire la pauvreté au pays et contribuer aux efforts mondiaux visant à réaliser le premier des objectifs du Millénaire pour le développement, celui qui a trait à la réduction de la pauvreté.

L’esprit de collaboration manifesté par les représentants des collectivités confessionnelles pour organiser ces discussions était remarquable. Ces réunions ont été organisées par les délégués des collectivités confessionnelles canadiennes au Sommet des dirigeants religieux de 2010, par le Partenariat interconfessionnel – comportant tous deux des représentants bahá’ís – par le Conseil canadien des Églises et par l’Alliance évangélique du Canada.

Tous les participants étaient d’avis que les deux rapports sur la pauvreté sont d’une grande importance pour le pays et que, si nous voulons nous attaquer au problème de la pauvreté, nous devons maintenant entreprendre le travail. Comme le disait Poondit Sharma, président de la Hindu Federation of Canada, « les êtres humains sont habitués à travailler ensemble sur leurs problèmes et le plus souvent ils les résolvent. Pourquoi ne pas en faire autant avec la pauvreté? » Les réunions ont produit l’unanimité sur la « Déclaration interconfessionnelle » (voir plus bas).

Suzanne Tamás, directrice du Bureau des relations gouvernementales de la Communauté bahá’íe du Canada et membre de la délégation interconfessionnelle canadienne qui a rencontré les députés fédéraux le 7 mars, a présidé la première table ronde le 8 mars et Gerald Filson, directeur du Service des affaires extérieures de la Communauté bahá’íe du Canada et membre du Partenariat interconfessionnel a récité une prière bahá’íe pour clôturer la rencontre, à la demande du président de la discussion, Peter Noteboom, du Conseil canadien des Églises. Tous deux ont participé aux discussions animées et se sont appuyés sur les concepts énoncés dans les déclarations sur la pauvreté publiés au fil des ans par la Communauté internationale bahá’íe (veuillez vous référer au site Web à l’adresse www.bic.org).1

Pour résoudre la pauvreté, il sera nécessaire que nous adoptions des lois judicieuses et que le gouvernement joue un rôle de chef de file, mais il faudra aussi que tous les intervenants, que ce soit les entreprises, les organisations de la société civile, les diverses collectivités, les individus ou les gouvernements, apprennent à appliquer certains principes-clés à leurs actions. L’inégalité des femmes et des hommes est non seulement un des facteurs responsables du taux élevé de pauvreté – ce qui est encore plus évident dans les pays où cette inégalité est prononcée – mais elle rend les femmes et les enfants vulnérables dans tous les pays. L’absence d’une bonne éducation morale, spirituelle et scientifique, l’impossibilité de développer leurs capacités et de participer aux décisions et aux actions qui affectent leur propre vie, le fait que les nations esquivent leurs obligations en matière de droits fondamentaux, y compris les droits sociaux et économiques, et les extrêmes de pauvreté et de richesse qui permettent à un très petit nombre de personnes d’amasser des quantités étonnantes de richesses, sont quelques facteurs qui contribuent à la pauvreté.

Le problème de la pauvreté est complexe et ne peut pas être résolu facilement. Les bahá’ís comprennent que la pauvreté est le symptôme d’une situation où les choix individuels et collectifs des gens ont créé des relations économiques et sociales inéquitables, qui permettent à quelques-uns d’avoir tous les avantages au détriment de la majorité. Malgré que, avant le ralentissement économique survenu à la fin de 2008, le taux de pauvreté au Canada soit passé d’environ 15 p. 100 à moins de 10 p. 100, on s’inquiète du fait que certains Canadiens sont particulièrement vulnérables. Parmi eux se trouvent certaines populations autochtones, les mères chefs de famille et leurs enfants, les personnes appartenant à une minorité visible, les personnes handicapées et, plus récemment, les travailleurs pauvres (c’est-à-dire ceux qui travaillent un grand nombre d’heures pour un salaire minimum et ne gagnent pas suffisamment pour éviter de tomber sous le seuil de la pauvreté) qui ont commencé à se multiplier considérablement.

Il est encourageant de constater qu’on reconnait qu’une multitude de facteurs ont une incidence sur la pauvreté. C’est aussi ce que font ressortir les deux rapports de la Chambre des communes et des comités du Sénat, et l’indice de pauvreté multidimensionnel utilisé par le Programme des Nations unies pour le développement dans son Rapport sur le développement humain, qui sera publié cette année et auquel le Canada a contribué.2

Les récentes déclarations de la communauté bahá’íe, ont souligné l’importance de la formation et du développement des capacités dans le contexte de la lutte contre la pauvreté. La compréhension qu’ont les bahá’ís de cette question a bénéficié de l’expérience acquise sur le terrain par les communautés bahá’íes au cours des quinze dernières années. En consacrant des efforts importants à l’éducation des enfants et à des programmes qui réunissent des jeunes et des adultes qui désirent apprendre comment prendre la responsabilité du développement de leurs capacités morales et spirituelles, les bahá’ís commencent à apprendre comment ces activités communautaires locales – quand elles sont poursuivies de manière systématique et avec le désir d’apprendre – peuvent favoriser la formation d’amitiés solides et de réseaux très unis de personnes, qui étudient et travaillent ensemble, qui poursuivent une direction commune de service, qui s’appuie mutuellement en apprenant à appliquer les principes spirituels, en refusant de diviser les gens selon qu’ils savent ou ne savent pas quelque chose, selon qu’ils possèdent ou non quelque chose, tout en s’efforçant de surmonter les tendances sociales bien ancrées, les préjugés et les types de discrimination et les formes de découragement plus subtiles qui déresponsabilisent et bloquent le progrès des individus, jeunes ou vieux. Bien que ces activités soient un ouvrage inachevé, ceux qui y participent qu’ils soient bahá’ís ou non, trouvent les résultats encourageants.

On a démontré que être ami avec d’autres, apprendre à travailler en groupe et faire partie d’une collectivité dynamique étaient parmi les moyens les plus importants pour aider les gens à échapper à la pauvreté et aider les personnes vulnérables à éviter la pauvreté.

La pauvreté, qui tragiquement afflige les individus, les familles et les collectivités peut être définie simplement : une pénible pénurie de ressources (nourriture, logement, revenu, éducation, emploi, accès à la culture et aux possibilités de se développer). Toutefois, la situation ne se limite pas au fait qu’il y a des gens pauvres. S’il y a des gens pauvres, on peut honnêtement affirmer que l’humanité dans son ensemble est pauvre. La pauvreté est le problème de l’humanité tout entière et pas seulement celui de ceux qui sont aux premiers rangs de la pauvreté et qui absorbent le plus grand et direct impact de la destitution. C’est toute l’humanité qui souffre, mais certains souffrent sans nécessairement le comprendre, en tentant d’ignorer les conditions dans lesquelles vivent leurs semblables, en détournant les yeux, en se laissant distraire par les choses éphémères et en devenant préoccupés par le soi et les plaisirs matériels.

La pauvreté n’est pas uniquement un manque de biens matériels, puisque la dignité humaine n’est pas une chose qui peut être pesée ou mesurée. C’est un état qui comporte des dimensions spirituelles. L’humiliation d’être sans abri, de souffrir de malnutrition et d’être sans emploi s’étend à tout l’espace social que nous occupons ensemble. La honte d’une société qui accepte la pauvreté est la honte de tous, et la pauvreté d’esprit, le manque d’intégrité morale et la défaillance du sens de responsabilité qui affligent ceux qui vivent dans le confort et la richesse, peu importe à quel point ils arrivent à se désensibiliser, est quand même une réalité qui mine gravement le sens qu’ils tentent de donner à leur vie.

Bahá’u’lláh a écrit « Dites aux riches les soupirs nocturnes des pauvres » et il nous a encouragés à comprendre que le « mérite de l’homme repose sur le service et la vertu, et non sur le déploiement des biens et des richesses ».

En nous efforçant d’élever nos conversations, nous pouvons sensibiliser les gens à la pauvreté et contribuer à une discussion publique de ce problème. Il est intéressant de noter que le thème des discussions à Ottawa était « une conversation sur la pauvreté ». En poursuivant la conversation, nous augmentons les chances que la pauvreté ne sera pas uniquement le sujet de rapports à être lus par les gouvernements et certaines personnes mais qu’elle deviendra l’objet de nos actions, que ce soit par l’adoption de lois ou d’approches bien conçues dans les domaines de l’éducation et de la formation, par la création de réseaux de relations amicales et d’entraide dans les quartiers et par des actions sages et efficaces de la part de groupes et d’organisations communautaires.

———————–1. La Communauté internationale bahá’íe aborde depuis longtemps les questions liées à la pauvreté (veuillez vous référer aux déclarations publiées sur le site Web à l’adresse www.bic.org). Les Écrits et les enseignements de Bahá’u’lláh abordent souvent la question de la pauvreté et dans de nombreuses allocutions et lettres, ‘Abdu’l-Bahá a parlé des défis posés par la pauvreté. Dans une des allocutions qu’il a prononcées en Amérique du Nord, par exemple, il a dit : « Il est évident que dans les systèmes et conditions actuels de gouvernance, les pauvres font face à la détresse et aux besoins les plus grands, alors que ceux qui sont plus fortunés vivent dans un luxe et une abondance qui excède de loin leur besoins réels. L’inégalité de leurs parts et de leurs privilèges est un des problèmes profonds et vitaux de la société… Le remède doit être le rajustement législatif des conditions. Les riches, eux aussi, doivent être miséricordieux envers les pauvres, ils doivent contribuer volontairement à leurs besoins sans y être forcés ou obligés. » [traduction]2. Veuillez vous référer au rapport du Centre de recherches pour le développement international intitulé « La pauvreté, beaucoup plus qu’un manque d’argent » à l’adresse suivante : http://www.idrc.ca/fr/ev-159409-201-1-DO_TOPIC.html.———————–

DÉCLARATION INTERRELIGIEUSE: L’heure est au leadership et à l’action

Le 8 mars 2011

Rassemblés dans la foi, inspirés par nos traditions respectives et pressés par la conviction qu’il faut prendre soin des personnes dans le besoin à l’intérieur de nos collectivités comme à travers le Canada, nous estimons aujourd’hui que l’heure est venue de collaborer à l’éradication de la pauvreté qui persiste dans notre pays prospère et privilégié.

Aujourd’hui, en effet, des Canadiennes et des Canadiens de toutes les religions, de tous les milieux sociaux, de toutes les régions du pays découvrent des niveaux inacceptables de pauvreté, d’inégalité et d’itinérance, et ils comprennent que l’injustice ne saurait durer.

Mais nous ne pouvons agir chacun de son côté. Résolus à faire tout ce que nous pouvons, nous faisons appel à l’État pour qu’il s’associe à nous afin d’en finir avec la pauvreté.

Nous relevons avec gratitude les nombreuses initiatives positives du gouvernement en faveur des pauvres. Il est réconfortant de constater notamment que la plupart des Canadiens vivent aujourd’hui dans des provinces et des territoires qui ont adopté et mis en œuvre des plans de réduction de la pauvreté. Mais l’heure est venue d’une action d’ensemble, concertée et coordonnée, où les autorités fédérales travaillent en partenariat avec les autres niveaux de gouvernement.

Nous avons pris acte du rapport du Sénat Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l’exclusion, publié en décembre 2009, et de ses 78 recommandations, qui offrent un tremplin remarquable pour l’action.

Nous sommes aussi vivement encouragés par le bon travail du Comité permanent de la Chambre des communes sur les Ressources humaines, le développement des compétences, le développement social et la condition des personnes handicapées qui a abouti à la publication de son rapport: Plan fédéral de réduction de la pauvreté : travailler en partenariat afin de réduire la pauvreté au Canada, déposé en novembre 2010.

En tant que chefs religieux, nous nous sommes réunis à Ottawa quelques jours après que le gouvernement fédéral eut publié sa réaction au rapport du Comité permanent de la Chambre des communes. Nous avions été profondément encouragés de voir des députés de tous les partis travailler si bien de concert pendant trois ans à préparer ce rapport en étudiant, en consultant et en étant à l’écoute les uns des autres et de leurs commettants. Nous avons été déçus de ce que le gouvernement fédéral ne tire aucun parti du consensus pour une action coordonnée, qui ressort du rapport du Comité permanent, et ne réagisse pas sur le fond à ses recommandations.

Nous nous réunissons aussi deux semaines avant le dépôt du prochain budget fédéral. Ce serait l’occasion pour le gouvernement de donner suite concrètement aux recommandations de ces deux rapports de même qu’à l’attention croissante qu’accorde le public à ces questions, et de proposer des mesures de dépenses qui permettent au Canada de commencer à atteindre des objectifs réalistes en matière de réduction de la pauvreté.

Portées par leurs différentes traditions, les communautés croyantes au Canada affirment qu’aucune pratique religieuse ne peut ignorer l’impulsion à cultiver le sens communautaire, le partage et la solidarité avec les personnes pauvres. Nous demandons au gouvernement de présenter des politiques publiques qui défendent les droits de tous et de toutes à la dignité et à la vie en abondance.

D’une seule voix, nous demandons à tous les niveaux de gouvernement de faire de même.Nous demandons à tous les partis et à tous les candidats aux charges publiques de faire une priorité de la réduction de la pauvreté, et nous appelons tous les croyants et toutes les personnes de bonne volonté à soulever le dossier de la pauvreté auprès des hommes et des femmes politiques et des candidats aux élections.

Nous demandons au gouvernement fédéral d’exercer son leadership et d’élaborer un plan fédéral de réduction de la pauvreté qui coordonne les initiatives fédérales et les plans qui existent déjà ou qui démarrent dans les provinces et les territoires, de légiférer pour garantir l’engagement et la responsabilité fédérale à l’égard des objectifs de réduction de la pauvreté, et d’élaborer une stratégie nationale du logement; et nous demandons à tous les niveaux de gouvernement d’investir des ressources suffisantes pour la sécurité sociale de tous les Canadiens.

En tant que communautés de foi, nous nous engageons à lancer à travers le pays une conversation sur la pauvreté, à approfondir nos engagements et à multiplier les activités qui atténuent la pauvreté, et à collaborer avec d’autres intervenants de bonne volonté pour remédier aux besoins immédiats de ceux et celles qui nous entourent.

Et nous invitons toutes les Canadiennes et les Canadiens à se demander comment, comme familles, comme collectivités et comme pays, nous pouvons tous affirmer par notre façon de vivre ensemble que chacune, chacun mérite d’être traité avec dignité et respect; de faire partie de la communauté; de savoir ce qu’est un foyer; et de découvrir ce que ça veut dire d’avoir de quoi vivre et d’être assuré de ne pas manquer du nécessaire.

L’heure est au leadership. L’heure est à l’action.

Le Conseil canadien des ÉglisesLa Délégation interreligieuse du Canada au Sommet mondial des religions 2010L’Alliance évangélique du CanadaDignité pour toutes