La confiscation, ordonnée par un tribunal, des biens de 27 familles bahá’íes dans le village agricole d’Ivel, en Iran, a trouvé une réponse dans une large solidarité qui s’est manifestée de tous les coins de la société canadienne. Cet élan de soutien s’est inscrit dans le cadre d’un tollé mondial de protestations contre les décisions de la cour, qui expriment clairement des préjugés religieux.
« Je pense que ce qui était si odieux ici, c’était la complicité judiciaire », a déclaré l’honorable Irwin Cotler, ancien procureur général du Canada.
« Je pourrais ajouter que dans ce processus juridique, les avocats des bahá’ís n’ont pas été autorisés à voir les preuves présentées contre eux, à présenter des preuves, à faire des représentations. En d’autres termes, [la décision] n’était pas seulement un abandon de la procédure régulière, [elle] ajoute à toute la complicité juridique et judiciaire choquante dans cette affaire », a poursuivi le professeur Cotler.
Le professeur Cotler était signataire d’une lettre ouverte adressée au président de la Cour suprême, Ebrahim Raisi, aux côtés de l’ancien premier ministre Brian Mulroney et d’autres anciens procureurs généraux, de juges de la Cour suprême à la retraite et d’autres personnalités du monde juridique. La lettre ouverte a fait l’objet d’une couverture médiatique par le Globe and Mail, la CBC, Radio-Canada International et le Winnipeg Free Press.
Les députés canadiens ont également ajouté leur voix [à ce tollé]. Les députés des cinq partis politiques ont enregistré une vidéo dans laquelle ils exhortent l’Iran à « restituer les propriétés des bahá’ís et à respecter leurs droits en tant que citoyens iraniens ».
Les décisions des tribunaux iraniens ont été largement condamnées par les experts du droit iranien et de la charia. Le Conseil canadien des imams, qui est un organe de direction collective des imams du Canada, a publié une déclaration selon laquelle la décision « n’est pas conforme à la charia ». Le Conseil a déclaré que « dans l’Islam, toutes les propriétés et [la] dignité de chaque être humain doivent être préservées et protégées ».
Hossein Raeesi, un avocat des droits de la personne formé en Iran, professeur adjoint au département de droit et de recherche juridique de l’université Carleton au Canada, a préparé une analyse juridique des procédures judiciaires. Il a conclu qu’« il ne fait aucun doute que les mauvaises pratiques des tribunaux spéciaux et le mépris des procédures légales et des principes religieux de la justice ont conduit à la violation des droits des citoyens non musulmans [baha'is] ».
Un certain nombre d’experts en politique agricole du monde entier, y compris du Canada, se sont également joints à la protestation contre la confiscation des fermes appartenant aux bahá’ís. Dans leur lettre ouverte au juge en chef iranien Ebrahim Raisi et au ministre de l’Agriculture par intérim Abbas Keshavarz, ils ont déclaré qu’ils s’exprimaient parce qu’ils « sont préoccupés par la situation critique des petits exploitants agricoles dans le monde entier qui sont souvent confrontés à l’injustice d’une autorité arbitraire ».
« Nous écrivons en tant que collègues agriculteurs », ont-ils poursuivi, « pour attirer l’attention sur ce cas de persécution et demander aux autorités iraniennes de revenir sur leur décision concernant les agriculteurs d’Ivel ».
D’autres ont également exprimé leur solidarité par l’intermédiaire des médias sociaux. Une campagne de deux jours sur Twitter a cherché à inciter les gens à communiquer leurs inquiétudes par l’utilisation de deux mots-dièses, #IvelBahais et #ItsTheirLand. Des dizaines de milliers de personnes dans le monde entier ont participé à cette campagne, qui a touché plusieurs millions de personnes.
Vahid Yucesoy, candidat au doctorat à l’Université de Montréal, a tweeté sur le « traitement épouvantable que les bahá’ís d’Iran ont subi ». Peu de personnes dans le monde sont conscientes des conditions de vie qui ressemblent à l’apartheid auxquelles elles sont confrontées. L’Iran est aussi leur pays ».
Le gouvernement canadien s’est dit « inquiété par la récente décision judiciaire en Iran selon laquelle les terres des bahá’ís d’Ivel seront saisies en raison de leurs croyances religieuses. Nous demandons instamment aux autorités iraniennes d’éliminer toute forme de discrimination fondée sur la religion ou les croyances ». Le Canada a également soulevé la question des minorités religieuses non reconnues, dont les bahá’ís, dans une déclaration au Conseil des droits de l’homme concernant l’Iran.