Comme une part croissante de notre discours public se déroule en ligne, de nouvelles questions sont apparues sur la relation qui existe entre les technologies de ces plateformes et les processus démocratiques.
Au Canada, cette conversation s’est concentrée sur les problèmes de la haine et de la désinformation qui se manifestent en ligne, et sur la manière dont ils peuvent être traités par la surveillance démocratique et la réglementation gouvernementale. Au cours d’une conversation en ligne organisé par le Bureau des affaires publiques de la communauté bahá’íe du Canada, les panélistes ont examiné la question de savoir comment nous devrions réfléchir à l’objectif des médias sociaux dans une démocratie et quels types de valeurs et de principes devraient guider les efforts de réforme et de réglementation des pratiques actuelles. La conversation s’est tenue le 21 janvier et a été coparrainée par le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, le Mosaic Institute et le Ryerson Leadership Lab.
Le Bureau des affaires publiques de la communauté bahá’íe suit cette conversation et ce discours politique depuis plusieurs années, notamment en tant que membre de la Coalition canadienne pour mettre fin à la haine en ligne. En 2019, son directeur, Geoffrey Cameron, a été invité à témoigner devant le Comité permanent de la justice et des droits de l’homme de la Chambre des communes dans le cadre de son étude sur la haine en ligne. L’année dernière, le Bureau des affaires publiques a présenté un mémoire sur les espaces virtuels et les processus démocratiques à la Commission canadienne sur l’expression démocratique dirigée par le Forum des politiques publiques.
« Il est de plus en plus évident que ces plateformes en ligne ne sont pas des espaces de conversation publique neutres en matière de valeur », a déclaré M. Cameron. « En plus d’aider à mettre les gens en contact de manière inédite, elles peuvent aussi amplifier les mensonges et la haine avec peu de recours publics. Nous voulions organiser une discussion sur la façon dont nous devrions considérer l’objectif de ces plateformes, et comment le contrôle public peut les réformer pour servir ces objectifs ».
Les panélistes sont venus de différents horizons, notamment de la défense des droits, de la recherche communautaire et de l’enseignement supérieur. Sam Andrey, directeur des politiques et de la recherche au Ryerson Leadership Lab, a parlé des récentes recherches sur l’opinion publique menées par ce groupe de réflexion, qui ont révélé que le public faisait très peu confiance aux plateformes de médias sociaux, mais qu’il était incertain de la manière dont elles devraient être réglementées pour répondre aux défis omniprésents des contenus haineux et trompeurs.
Borna Noureddin, professeur à l’Institut de technologie de la Colombie-Britannique, a dit que le malaise que beaucoup de gens ressentent à propos de ces plateformes est le reflet des processus rapides d’innovation technologique. Avec la technologie numérique, les conséquences involontaires de l’innovation apparaissent si rapidement que nous sommes souvent lents à y faire face.
Il a souligné que nous devons également réfléchir aux valeurs qui sous-tendent la conception des nouvelles technologies. Nous devons promouvoir la conception de nouvelles technologies numériques qui ne sont pas principalement axées sur la dépendance et la distraction, a-t-il dit.
Akaash Maharaj, le PDG du Mosaic Institute, a ajouté que les plateformes de médias sociaux ne sont pas neutres en matière de valeur. Leurs algorithmes sont des règles de promotion et d’amplification de contenu qui ont des conséquences néfastes sur la santé de notre discours public. Il a toutefois averti que la réglementation gouvernementale doit suivre le changement social : la société doit exiger des changements dans le fonctionnement de ces plateformes.
Nous voyons déjà comment la société civile peut se mobiliser pour appeler au changement, a affirmé Gayle Nathanson, directrice associée des affaires extérieures du Centre consultatif des relations juives et israéliennes. Elle a fait remarquer que la Coalition canadienne pour mettre fin à la haine en ligne s’est attachée à faire le lien entre la haine en ligne et la violence dans le monde réel, et à plaider pour la création d’un organisme de contrôle gouvernemental indépendant.
La conversation s’est terminée par une réflexion sur le rôle de la culture numérique et de l’éducation des citoyens pour relever certains des défis posés par les médias sociaux. M. Noureddin a indiqué que nous pouvons considérer notre approche des programmes éducatifs comme une aide à l’expression de l’autonomie des personnes. « Pour se protéger, il faut notamment être bien informé, il faut avoir de l’autonomie, savoir quoi utiliser et comment l’utiliser ». Il a noté que les programmes éducatifs doivent aller au-delà des quelques « choses à faire et à ne pas faire » pour tenir compte du contexte social dans lequel les gens se trouvent et des habitudes qu’ils développent dans leurs activités en ligne.
« Nous devons créer des conditions et des environnements qui nous permettent d’être plus attentifs à la manière dont nous encourageons l’utilisation des médias sociaux, de mettre en place des choses qui rendent plus facile et non plus difficile de comprendre comment les utiliser de la bonne manière », a-t-il conclu.