« Nous ne sommes qu’un. » C’est ainsi que s’est adressé le chef Robert Joseph, co-président de l’événement national de Vancouver de la Commission de vérité et réconciliation, à une foule de 250 personnes réunies au Centre bahá’í de Vancouver, le vendredi 13 septembre en soirée.
Le chef Joseph était un des panélistes invités par la Communauté bahá’íe du Canada et l’organisme Reconciliation Canada [en anglais], quelques jours avant la tenue du sixième d’une série de sept événements nationaux organisés par la Commission de vérité et réconciliation.
La table ronde était organisée pour souligner le dévoilement d’un mémoire préparé par la Communauté bahá’íe du Canada, qui sera officiellement présenté à la Commission de vérité et réconciliation lors d’une session spéciale accueillant les gestes de réconciliation, le 20 septembre. Le chef Larry Grant, de la Première nation Musqueam, a ouvert la séance avec une prière et un mot de bienvenue en levant les mains et les bras, un geste commun chez son peuple qui a accueilli les premiers européens sur la côte ouest.
Les trois panélistes invités étaient le chef Doug White de la Première nation Snuneymuxw, la professeure Paulette Regan, directrice de la recherche pour la Commission de vérité et réconciliation et le chef Robert Joseph. La table ronde était animée par le professeur Roshan Danesh.
Le chef Doug White a parlé de l’injustice et des dommages, des liens familiaux et communautaires brisés, qui ont résulté du déplacement et des abus causés par l’héritage des pensionnats indiens, en place pendant 150 ans au Canada. Le chef White, qui peut puiser dans une vaste expérience personnelle en tant qu’avocat et chef négociateur de questions politiques ou légales d’une grande importance, a dit qu’il existe un élément essentiel qui transcende tous ces aspects pratiques, et sans lequel il ne peut y avoir de réconciliation au Canada. « L’amour, l’amour altruiste est nécessaire, » a souligné le chef White, citant un passage d’un article de William Hatcher qu’il avait récemment lu.
« C’est seulement de cette façon, et seulement si les individus font un effort et deviennent des véhicules menant à la réconciliation et au changement, qu’une véritable transformation aura lieu au Canada, et ça demandera du courage, » a remarqué le chef White.
« La Commission représente le plus important défi auquel font face les Canadiens. C’est une occasion de ré-imaginer notre présence sur cette terre, de ré-imaginer qui nous voulons être. Chaque jour, nous nous réveillons devant la laideur, l’héritage du mal qui est toujours en nous, mais à travers des actes individuels d’amour, cette ré-imagination de nous-mêmes, cet amour altruiste, nous pouvons arriver à une vraie réconciliation. »
« La réconciliation est un cadre nous permettant de vivre ensemble, » a dit Paulette Regan, membre de la Commission et auteure du livre Unsettling the Settler Within: Indian Residential Schools, Truth Telling and Reconciliation in Canada (traduction : Vaincre le colon en nous : les pensionnats indiens, la vérité et la réconciliation au Canada). La professeure Regan a demandé : « Comment devons-nous comprendre les sentiments dérangeants et inconfortables qui nous animent lorsque nous essayons de faire face à une histoire d’injustice? Nous devons les voir comme un appel à l’action. La réconciliation est un cadre vivant, qui demande une action. » Nous devons « reconnaître notre humanité commune, et passer outre notre malaise et notre embarras pour écouter les histoires des peuples autochtones avec des cœurs ouverts et humbles. »
La réconciliation requiert un « engagement farouche », selon le chef Robert Joseph, chef héréditaire de la Première nation Gwawaenuk et ambassadeur pour Reconciliation Canada. « Le temps est venu, puisqu’il y a désormais un grand nombre de Canadiens qui se préoccupent du sort des peuples autochtones. »
« Nous sommes partis d’un endroit de rupture et de séparation, » a rappelé le chef Joseph en décrivant les discussions difficiles et laborieuses qui ont cours à propos des pensionnats indiens et de leur effet destructeur sur la culture et la vie des Premières nations du Canada. « Mais, au fur et à mesure que l’on prenait la peine de s’écouter, le ton des discussions a commencé à changer. Nous avons réalisé que nous avons tous quelque chose en commun. Nous avions perdu de vue notre humanité commune, voilà pourquoi nous nous faisions du mal. Le temps est maintenant venu de réfléchir ensemble à notre histoire commune et de s’approprier cette histoire commune. »
« Le mot « réconciliation » est rempli de sens. C’est un mot, » selon le chef Robert Joseph, « qui renvoie à une réalité spirituelle. Chaque individu peut vivre la réconciliation et s’en inspirer pour agir.
« Nous devons utiliser la réconciliation pour véritablement faire de ce pays, un grand pays. La seule raison qui nous fera échouer est si, en partant d’ici, vous oubliez cette idée que nous ne sommes qu’un… Nous devons faire appel à notre conscience la plus élevée pour créer un nouveau chemin qui permettra à chaque enfant de toutes les races et de toutes les croyances d’avoir accès aux mêmes opportunités. En aidant les autres, vous vous aidez vous-mêmes. »
« Ceux d’entre nous qui ont été blessés doivent retrouver leur dignité. Nous avons besoin des autres pour nous aider à sentir que nous faisons partie de la grande famille humaine… Nous pouvons créer un nouvel espace qui sera sacré pour nous tous. »
Le chef Robert Joseph, alors qu’il remerciait la Communauté bahá’íe d’avoir organisé la soirée, a raconté comment il a rencontré pour la première fois les bahá’ís, qui partagent selon lui des valeurs identiques aux siennes. « J’ai vu des jeunes bahá’ís, qui n’ont pas simplement développé des amitiés avec des jeunes autochtones, mais qui étaient au service des peuples autochtones. Je m’étais demandé qui étaient ces « bahá’ís » et c’est ainsi que j’ai appris qu’ils croient à la même chose que moi : nous ne sommes qu’un, et nous partageons tous une humanité commune. »